La vieille usine d’incinération d’Ivry-sur-Seine est moribonde. L’actuel centre de traitement des déchets ménagers, situé à Ivry-Paris XIII a déjà fermé sa déchetterie et son centre de tri fin 2017. Plusieurs équipements d’incinération ont été de leur côté remplacé entre 2009 et 2011 pour un montant d’environ 61 millions d’euros, repoussant la limite d’exploitation du site à l’horizon 2023. Au-delà de cette échéance, la poursuite de l’activité d’incinération semble être compromise car elle nécessitera de plus longues périodes de maintenance “ne permettant plus d’assurer le service public” indique le Syctom.
Pour répondre à cette problématique, le projet IP13 (Ivry-Paris 13) vise à reconstruire deux usines : un nouvel incinérateur à valorisation énergétique et une unité de tri mécano-biologique. Mais ce projet à un coût : 2 milliards d’euros. Un budget qui représente près de 4 fois celui de l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes.
Un projet en suspens
Pour l’instant, rien n’est encore fait. Le projet de Syctom fait l’objet d’une consultation publique qui rendra ses conclusions le 25 juin. La commission préfectorale décidera alors s’il faut autoriser ou non l’exploitation de cette unité et délivrer le permis de construire (et donc de démolition).
En parallèle, les associations dénoncent le coût “pharaonique” des opérations pour un projet qu’elles jugent désuet. “L’incinération est un mode de traitement d’un autre âge” estime Anne Connan, co-présidente du Collectif 3R, un regroupement d’associations locales et nationales dont font parties ATTAC et Les Amis de la Terre. Le collectif souhaite “profiter de la fin de vie de l’usine pour amorcer un autre schéma de collecte et de traitement”. De son côté, l’association Zero Waste France estime que l’incinération des déchets contribue à l’émission de gaz à effet de serre et “contrevient au recyclage de matières premières qui devraient être préservées et recyclées plutôt que brûlées”.
Le plan B’OM : une alternative citoyenne
Ces associations proposent une alternative au projet IP13 (Ivry-Paris 13). En s’associant avec Zero Waste France, le Collectif 3R a élaboré le Plan B’OM (Baisse des Ordures Ménagères) qui constitue “non plus seulement un moyen d’action pour les collectivités mais aussi pour les citoyens” se félicite Anne Connan.
Au total, le Plan B’OM prévoit de dérouter, à horizon 2023, 245 000 tonnes de biodéchets par an des ordures ménagères résiduelles – soit 42 kg par habitant et par an – grâce à la lutte contre le gaspillage alimentaire, au compostage et à la collecte séparée des biodéchets.
En plus d’économiser près de 800 millions d’euros sur les 2 milliards du projet du Syctom, Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France, considère que le plan B’OM est une “meilleure solution pour l’intérêt général”. Elle regrette toutefois que leur proposition ait été présentée en opposition au Syctom : “On ne veut pas fermer toutes les usines mais il faut réduire les déchets et progressivement l’incinération”. “L’objectif que l’on peut et l’on doit se fixer est de passer de trois à deux usines d’ici 2026” en mettant en place les actions du plan B’OM. D’ici 2023, la région parisienne pourrait ainsi rattraper son retard sur les autres métropoles françaises comme Lyon ou Nantes et atteindrait les objectifs européens.
Les retards s’accumulent en région parisienne
Au niveau national, la quantité d’ordures ménagères résiduelles (incinérées ou mises en décharge) était de 261 kg en 2015. Sur le territoire du Syctom, elle était de 328 kg par habitant et par an en 2016. Au total, 247 kg sur ces 328 kg (75 % ) sont envoyés à l’incinérateur alors qu’ils “pourraient être traités autrement”, estime Zero Waste France.
Couvrant 84 communes et 5,8 millions d’habitants, le Syctom est le plus grand syndicat de traitement des déchets français. Il prend en charge environ 10 % des déchets ménagers du pays. La particularité de ce territoire implique une gestion qui ne peut être copiée sur les autres agglomérations.
Pour justifier le projet IP13, le Syctom dénonce l’insuffisance des capacités de traitement à l’heure actuelle qui conduit l’agglomération parisienne à envoyer 130 000 tonnes de déchets ménagers à l’enfouissement chaque année. De plus, la forte concentration d’activités économiques et l’intensité de l’activité touristique sont des facteurs qui tendent à justifier la complexité du traitement des déchets.
Des contraintes transformées en opportunités
Flore Berlingen tient à nuancer ces arguments : “Les handicaps peuvent être considérés comme des opportunités et permettre en réalité une marge de manoeuvre.” En effet, le “décret 5 flux”, issu de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), impose aux entreprises de trier le papier. Le plan B’OM entend profiter de cette obligation pour aller plus loin dans la réflexion et réduire de 35 000 tonnes la quantité de déchets envoyés vers l’incinération. Parmis les 12 actions proposées, il est également prévu de développer un dispositif de tri sur l’espace public, d’appliquer la collecte séparée des biodéchets ou encore de mettre en place une campagne anti-gaspillage alimentaire.
Une réunion publique animée par la commission d’enquête se tiendra le 14 juin. Une dernière étape avant la clôture de l’enquête publique le 25 juin prochain. Les initiateurs du plan B’OM seront sur place afin de défendre leur projet. Le Syctom a pour sa part mis en ligne les avis des collectivités concernées : plusieurs d’entre elles, dont Ivry-Sur-Seine, ont répondu favorablement.
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