Pourquoi les femmes du monde agricole sont-elles restées si longtemps sans terre, sans profession et sans droits sociaux ? Pour comprendre, il faut remonter aux années 1950, lorsque l’industrialisation galopante a remplacé dans les champs l’humain par la machine et la chimie, et amorcé le déclin du mode de vie paysan. La majorité des femmes quitte alors le monde agricole. Ce détachement est paradoxal : s’il est très certainement une exclusion, puisque les filles d’agriculteurs ne sont pas prioritaires dans les fratries pour reprendre la ferme de leurs parents, cette éviction ouvre aussi une voie d’émancipation dans un monde rural où l’identité professionnelle agricole ne se décline de toute manière pas au féminin. Les familles d’agriculteurs encouragent leurs filles à sortir du milieu en réussissant à l’école, en faisant des études, et en s’engageant – entre autres – dans la fonction publique en plein essor, dont les modalités de recrutement sont plus ouvertes qu’ailleurs aux femmes de milieu populaire.
Article issu de notre hors-série « Ces terres qui se défendent », disponible en kiosque et sur notre boutique.
Quant à celles qui restent, elles s’attachent généralement à la terre via le mariage avec des héritiers. Clémentine Comer, chercheuse en science politique qui a étudié les formes d’engagements féminins dans la profession agricole, les nomme « les accompagnantes » : ce sont des femmes...