L’économie collaborative aurait-elle atteint ses limites face à l’intolérance de certains de ses usagers ? La très célèbre plateforme de location de logements entre particuliers Airbnb a récemment essuyé plusieurs cas de discrimination, comme celui de cette étudiante d’origine nigériane qui s’est vue refuser une réservation en Caroline du Nord (États-Unis) au motif qu’un hôte raciste et virulent “déteste les nègres”. La situation n’a pas manqué de provoquer un tollé sur les réseaux sociaux.
Le fondateur de l’entreprise, Brian Chesky, a rapidement réagi en se montrant ferme : “Le racisme et la discrimination n’ont pas leur place sur Airbnb. Cet utilisateur a été définitivement exclu.” Il a aussi déclaré que la société repenserait le design du site pour qu’il soit plus inclusif. Une ancienne responsable au sein de l’Union américaine pour les libertés civiles, Laura Murphy, a même été recrutée ce mois-ci en tant que consultante sur ces questions. Des mesures pour lutter contre la discrimination raciste devraient bientôt être annoncées. Une ambition délicate à mettre en œuvre, car là est le problème : comment assurer des comportements éthiques sur une plateforme qui fait appel à la contribution de tous, de manière collaborative ?
Les recours collectifs, seule façon de mettre la pression
Quelques solutions existent pourtant, notamment la mise en place d’un anonymat des profils utilisateurs ou encore l’acceptation “automatique” des réservations. Mais le quotidien américain The New York Times a fait remarquer qu’Airbnb avait une politique qui rendait presque impossible pour ses clients d’exercer une influence sur la question. Quand un particulier s’inscrit sur la plateforme, il ne peut accéder au service qu’en signant une “clause de renonciation” : il doit accepter de renoncer à ses droits de poursuivre l’entreprise ou de se joindre à un recours collectif en justice.
Or, c’est l’une des seules solutions pour mettre la pression sur Airbnb en matière de discrimination. “Les recours collectifs ont été la seule manière efficace de prouver qu’il existait une discrimination systémique et d’y remédier”, a expliqué Joanne Doroshow, spécialiste sur les problématiques de justice civile aux États-Unis, “parce qu’on ne peut pas prouver qu’il existe un schéma comportemental si on se base uniquement sur des dossiers individuels.”
16% moins de chances de trouver un logement quand on est noir
En décembre dernier, une étude menée par l’université de Harvard avait révélé que les internautes dont le nom avait une sonorité “africaine” avaient 16% moins de chances d’obtenir un logement sur Airbnb – “le même écart racial qu’on trouve sur le marché du travail, les petites annonces en ligne, les prêts et les taxis”, ont par ailleurs commenté les auteurs de l’étude.
Si l’entreprise continue de s’opposer à toute “discrimination fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe, le statut familial ou le handicap”, comme l’énoncent ses conditions générales d’utilisation, elle souhaite régler le problème en évitant les litiges. Rien ne laisse entendre qu’elle compte en finir avec sa “clause de renonciation”. Elle pourrait même bientôt en tester la validité lors d’un procès qui l’oppose à Gregory Selden ; cet utilisateur noir américain, victime d’un refus de location à cause de son origine ethnique, accuse Airbnb de violer les droits civiques. L’entreprise américaine échappe effectivement aux lois interdisant la discrimination au logement, auxquelles sont normalement soumis les agents immobiliers et les chaînes d’hôtels. Airbnb brandira-t-elle sa “clause de renonciation” pour échapper au procès ? Ou bien prendra-t-elle ses responsabilités, dont dépend sa réputation à l’international ? Réponse attendue courant juillet.
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