Jean-François est ambulancier au SMUR (Service Mobile d’Urgence et de Réanimation), un service hospitalier qui intervient dans les cas où le ou les patients nécessitent une prise en charge urgente. Le SMUR fait partie des services publics de l’État : Jean-François, le médecin spécialiste en médecine d’urgence et l’infirmier qui l’accompagnent ne travaillent que pour des hôpitaux publics. Depuis quelques semaines, l’hôpital reçoit des patients d’autres établissements, qui manquent de lits et de personnels du fait du nombre trop important de personnes souffrantes du COVID-19.
La photo que Jean-François nous a transmise a un air d’apocalypse. À Grenoble, ambulanciers, médecins et infirmiers se sont réunis le dimanche 29 mars pour accueillir et prendre en charge les nouveaux patients, arrivés au Centre Hospitalier et Universitaire (CHU) suite à leur transfert en avion depuis d’autres hôpitaux. La situation est « sous contrôle », d’après Jean-François, mais elle est tout de même inédite. Si ces corps de métier ont déjà dû faire face à des épisodes infectieux, l’ampleur de l’épidémie a néanmoins bousculé le rythme de vie des travailleurs de la santé.
« Nous avons eu une quinzaine de transferts de malades dans notre hôpital depuis le début de l’épidémie », explique Jean-François, qui a vu passer les patients des hélicoptères et parfois des avions jusqu’à son service. Si le personnel de l’hôpital accepte d’accueillir des patients d’autres régions, c’est parce que l’Isère n’est pour le moment pas le département le plus touché. D’après les chiffres avancés par le Dauphiné Libéré, il y a eu 25 décès pour 222 personnes hospitalisées depuis le 5 avril. Rien à voir donc avec la situation et aux chiffres du Grand Est, où le seuil des 1 500 morts a d’ores et déjà été franchi. « Nous avons quand même une cinquantaine de malades du COVID-19 en réanimation dans le département isérois », ajoute Jean-François. La situation n’est pas à prendre à la légère, certes, mais elle semble pour le moment plutôt stable au CHU de Grenoble, qui dispose encore de plusieurs lits de libres dans les services de réanimation.
Une procédure plus complexe
Depuis le début de l’épidémie, le département et la ville de Grenoble enregistrent un faible nombre de personnes contaminées. La procédure suivie par les ambulanciers n’en reste pour autant moins complexe. Le service dans lequel Jean-François travaille a mis en place des précautions d’usage très strictes : « Pour chaque intervention, nous utilisons des masques et nous nous habillons en tenue intégrale. » Dans son service, deux masques en moyenne sont distribués par personne toutes les 12 heures, mais cela peut varier. Difficile donc de déterminer la quantité de matériel utilisé chaque jour.
Après chaque intervention, l’intérieur du véhicule et toutes les surfaces en contact avec les malades sont désinfectées par l’équipe, qui effectue ce travail également dans les salles du CHU réservées aux patients atteints du COVID-19. Une méticulosité qui n’est pas sans impact sur le déroulement des journées, comme le fait remarquer Jean-François : « Puisque tout le monde est susceptible d’être contaminé, les prises en charge sont plus longues, même quand il n’y a pas forcément de suspicions de contamination. »
En plus de la lourdeur des procédures, et malgré leurs contacts réguliers avec le virus, le personnel hospitalier n’a pas encore été testé. Jean-François estime que ça ne devrait plus tarder, car les tests sont de plus en plus fréquents. Pour le moment, Ils sont réalisés en priorité sur les malades car, comme l’explique l’ambulancier : « L’état des personnes qui souffrent d’une gêne respiratoire peut s’aggraver rapidement, parfois en quelques heures. »
Du matériel en attente et des centres d’appels submergés
« Nous sommes toujours en attente de matériel », souligne Jean-François. Comme la plupart des équipes soignantes sur le territoire, le CHU de Grenoble connaît aussi une pénurie d’équipements de protection. L’hôpital avait par prévention distribué début mars un patron de couture à son personnel pour les inciter à confectionner eux-mêmes leur masque en tissu. Des mesures à l’apparence précaire qui montre toutefois la prévoyance de l’établissement, « j’ai le sentiment que tout est mis en place pour que l’on travaille en sécurité », assure encore Jean-François.
Mais pour l’ambulancier, « le plus dur, c’est au CERA (1), où les agents de régulation médical (ARM) répondent à tous les appels téléphoniques » et assurent à tour de rôle une écoute permanente depuis leur bureau. Entre les cas avérés, les personnes qui développent de l’anxiété et les celles qui appellent pour des symptômes sans gravité, le personnel est débordé, et des lignes supplémentaires ont dû être ouvertes.
Malgré tout, Jean-François reste confiant : « Il y a une bonne gestion du personnel, tout le monde fait ce qu’il peut, et l’on observe moins d’entrées de patients dans les services dédiés au virus. » Pour Jean-François, la situation semble déjà s’améliorer pour les malades et les soignants. Une réussite que l’on doit, d’après lui, au « professionnalisme de l’ensemble de [ses] collègues, concentrés jour après jour sur les malades du COVID-19 ».
(1) Centre de régulation et de regroupement des appels.
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