C’est désormais au Pérou que se poursuit l’aventure WIFU, et plus précisément à Lima, aux côtés de Javier Yrigoyen que nous rencontrons dans les locaux de l’entreprise Fairmined.
Javier est le responsable de l’Alliance pour une Mine Responsable (AMR) au Pérou, pays où l’activité minière est particulièrement importante. Septième producteur d’or, et cinquième d’argent, le Pérou est directement concerné par le marché des métaux précieux, en forte augmentation certes, mais entaché par une mauvaise répartition des richesses d’une part, et les conditions de travail déplorables des miniers d’autre part. Malgré cela, de nombreuses compagnies minières se sont fortement enrichies, en dépit de toute conscience éthique et écologique. Dans cette perspective, l’enjeu de l’AMR est de venir en aide aux laissés-pour-compte, et de pallier le manque de responsabilisation.
L’or, au péril de sa vie
Les plus grandes entreprises minières extraient 90% de l'or et de l'argent au monde mais n'emploient que 20% des mineurs. Ce constat est alarmant. Les exploitations minières plus modestes tentent de répondre coûte que coûte à la concurrence, bien souvent au détriment des travailleurs de la mine. Les ouvriers se résignent à 14, 15, parfois 16 heures de travail quotidien, respirant poussière et gaz toxiques, souffrant du manque d’oxygène à des dizaines de mètres de profondeur, le tout pour un salaire des plus misérables. C’est tout juste s’ils peuvent répondre aux besoins les plus élémentaires. C’est ainsi que cette dure réalité contamine le foyer dans son entièreté, obligeant les enfants à travailler dès le plus jeune âge.
L'AMR a donc été créée dans le but de faire respecter les droits de l'Homme et le droit du travail dans ce secteur. C’est sur le terrain des mines artisanales et à petites échelles que se situe leur action.
Qu'est-ce que la certification Fairmined ?
Javier tente au quotidien de faire obtenir aux mines péruviennes la labellisation Fairmined, née de l’AMR. En quoi consiste-t-elle ?
Ce label a deux fonctions. Il atteste la provenance de l’or produit par des mines autonomes, responsables et artisanales. Et il œuvre pour le développement social et environnemental dans le milieu minier.
Sotrami, par exemple, est une l’une des plus importantes mines d’or artisanales au monde, située au Sud du Pérou. Elle produit 70 kg d’or par mois et c’est aussi la première mine à qui fut attribué ce prestigieux certificat. Elle appartient à une coopérative, gérée par les mineurs qui y travaillent. A l’inverse de beaucoup de leurs homologues, ces derniers bénéficient d’un salaire juste, d’une mutuelle, et d’équipements de sécurité (casque, masque pour le visage, bouchons d'oreilles). Mais surtout, le travail infantile y est interdit : Sotrami impose la scolarisation des enfants jusqu’à l'âge de 16 ans. Enfin, la coopérative profite d’un accès au marché mondial sans nul intermédiaire, ce qui est loin d’être négligeable.
Comment obtenir le certificat Fairmined ?
La difficulté d’obtention du statut de “mine équitable” est à la hauteur des exigences du label. Dix mines seulement ont été labellisées : six en Colombie, deux au Pérou, une en Bolivie et en Mongolie.
La présence des représentants de l’AMR au plus près des mines est essentielle. Pas à pas, et au terme d’une longue prise de conscience des enjeux sociaux et environnementaux, d’un investissement sur des mois, les mines tendent à l’excellence du label. Dès lors, l’AMR fait appel à une société suisse chargée de réaliser l’audit et de délivrer ou non le certificat. Une fois acquis, les mines doivent s’engager à la pérennité de leurs efforts pour maintenir leur statut.
Un coût plus cher pour le consommateur…
Evidemment, la première des conséquences pour le consommateur est le prix de l’or, dont le kilogramme certifié Fairmined se voit majorer de 4000 euros. Les responsables de l’AMR ont néanmoins observé une tendance du “consommer mieux”. De nombreuses entreprises de luxe se montrent intéressées par ce concept de métaux précieux équitables.
…mais un quotidien plus confortable pour les travailleurs.
La contrepartie de ce surcoût, imposé par la certification, permet à la mine durable d'avoir accès à une manne financière supplémentaire. L’exemple de Sotrami est révélateur. Ses mineurs touchent un meilleur salaire et bénéficient de plus de matériel de sécurité. Mais au-delà de ces avantages, c’est la communauté toute entière qui profite des bienfaits de la certification Fairmined. En effet la coopérative est à l’initiative de la construction du village où vivent les mineurs et leurs familles. Les habitants jouissent ainsi de l’électricité, de l'eau courante, d’une l'école gratuite et de tout le matériel scolaire, d’un réseau de transports en commun, du ramassage des déchets… Et la liste est encore longue.
Finalement, lorsque le “consommateur durable”, comme l'appelle l'AMR, achète de l'or ou de l'argent certifié, il a la garantie que la somme additionnelle au prix de base sera directement utilisée pour ou par les mineurs. De quoi ne plus hésiter bien longtemps…
En route vers un second label ?
Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Après l'obtention de la certification Fairmined, les mines peuvent prétendre un second label, davantage écologique cette fois-ci.Une fois la première marche franchie, Fairmined tente de sensibiliser les exploitations minières aux problématiques environnementales. L’objectif est ainsi d’aboutir à des mines non seulement “sociales” mais aussi “écologiques”.
En effet, l’activité minière n’est pas sans danger pour la planète, notamment à cause du traitement des roches pour obtenir le minerai pur. Pour l’or, il faut parfois recourir à des bains de mercure ou de cyanure. L'AMR propose alors des technologies alternatives comme la gravimétrie, un procédé chimique qui permet de séparer l’or du reste des autres métaux et cailloux grâce à la gravité. En effet, l’or a une densité très importante par rapport aux résidus présents dans la roche extraite. Ce procédé est donc réalisé dans de grandes cuves et l’or se trouvera au fond.
Pour l'heure, aucune mine n'a obtenu le label écologique, qui ferait passer le coût supplémentaire de 4000 à 6000 dollars le kilos… mais ce n’est qu’une question de temps.
Des projets pour l’avenir : une meilleure collaboration ?
Lorsque l’on pose à Javier la question de ses plus vives aspirations pour le futur, il nous répond immédiatement “voir l'AMR disparaître rapidement”. La disparition de l’alliance ne signifierait pas un abandon ou échec du projet, mais une relève assurée par les Etats, encore trop timides sur le sujet. Javier espère, un jour, voir les gouvernements se préoccuper davantage de la situation des mineurs et de leur famille, plutôt que de jouir aveuglément des bénéfices de ce marché minier très porteur. Javier aimerait personnellement travailler main dans la main avec le gouvernement péruvien, avant de lui passer pleinement le relais pour faire évoluer l'industrie minière de son pays.
Croissance des mines certifiées, expansion à toute l’Amérique du Sud et au-delà, réduction des impacts environnementaux, relations plus étroites avec les institutions… le défi est grand pour Fairmined soucieuse de faire du beau autant que du bien.
Pour suivre le WIFU PROJET : http://www.wifuproject.com/
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