Pouvez-vous nous présenter le projet Ebdo?
Les trois lignes de force sont: le monde, soi et les autres. On part de l’idée qu’aujourd’hui les gens sont très informés, voir surinformés. L’information de base est disponible partout. En revanche, le recul et les outils de compréhension manquent. Par définition, un hebdomadaire n’a pas à coller à l’actualité, ni à faire la course aux scoops mais à donner des outils pour que les gens puissent se faire une opinion. Ensuite, il y a évidemment des conseils pour soi, de développement personnel. Enfin, il y a beaucoup de personnes aujourd’hui qui n’ont pas envie de lire des articles sur un monde qui se défait. C’est aussi le rôle d’un hebdo de donner des idées sur les moyens d’actions, si l’on a envie d’agir.
Pour vous, c’est ce qui manque aujourd’hui dans le paysage médiatique?
Dans les hebdomadaires, oui ! Comme ce sont souvent les mêmes journalistes qui travaillent sur les versions web et papier, ils sont tirés vers l’immédiat. Ebdo, c’est aussi d’abord des choix radicaux. Premièrement, il n’y a pas de pubs dans le journal. C’est quasiment logique quand vous avez un projet comme celui-là que vous vous émancipez des intérêts que peuvent représenter les annonceurs. La publicité induit des cibles, en particulier des catégories socio-professionnelles à qui aujourd’hui tout le monde parle, les CSP+. Plus personne aujourd’hui ne s’intéresse aux catégories sociales plus basses parce qu’elles consomment peu ou pas, pourtant les enjeux démocratiques y sont très forts. Et puis, deuxième choix, des lecteurs, qui seront beaucoup plus que des lecteurs. Notre modèle sera l’abonnement, plus que la vente au numéro – on vise un pourcentage de seulement 20 % de vente en kiosques. Nous souhaitons construire une communauté structurée avec qui l’on échange, à travers une plateforme numérique que l’on met au point.
Plus personne aujourd’hui ne s’intéresse aux catégories sociales plus basses parce qu’elles consomment peu ou pas, pourtant les enjeux démocratiques y sont très forts.
Pourriez-vous nous en dire plus sur cette plateforme d’interactions avec votre communauté?
Ce sera un outil dédié à un échange permanent avec les lecteurs. Qui va permettre aux lecteurs d’évaluer en direct leurs retours d’expérience sur le titre, de manière très simple; qui va leurs permettre de nous faire des suggestions de rendez-vous, de reportages sur telle association, telle personne du coin vraiment fantastique; qui leurs permettra même d’héberger des journalistes lorsqu’ils sont en déplacement s’ils en ont envie! Il n’y aura pas de version numérique du titre, c’est un acte de foi aussi dans le papier. Avec le papier vous fixez l’attention 4 fois plus que ce que vous lisez sur un écran. Sous couvert de réduction des coûts, on a un peu oublié qu’un journal c’est un objet sensuel, qui se touche, qui doit être beau.
Thierry Mandon, directeur général de Rollin Publications
Le rôle pédagogique que vous défendez nécessite beaucoup de temps, de recul et de compétences. Comment avez-vous formé une nouvelle équipe pour décrypter de tels sujets?
Pour le contenu, on a une trentaine de journalistes d’une part et un premier cercle de pigistes réguliers qui font partie de la famille. On a également quelques innovations dans l’organisation de la rédaction qui correspondent à ce qu’on veut faire. Quelqu’un est chargé du pont entre les journalistes et la recherche. Ce poste n’existe pas dans les journaux à grande dimension. Aussi on a une personne chargée des lecteurs. La participation de lecteurs n’est pas un gadget.
Ebdo ne sera pas une média d’opinion, notre objectif c’est d’être une presse qui rend possible une opinion.
Sur la partie territoire et pédagogie, vous parliez d’université populaire. La partie événementielle de votre média, vous la voyez comment?
C’est un des leviers principaux de la relation que nous allons établir avec nos lecteurs, transformés en ambassadeurs, avec des réunions autour du titre. On enverra des journalistes en régions pour faire des débats et pour faire réagir. Nous avons déjà un bus qui sillonne la France avec une réunion dans une trentaine de ville tous les soirs, à Strasbourg, à Lille, à Clermont-Ferrand... Il y a aujourd’hui un certain nombre d’initiatives de presse d’opinion qui se lancent en ce moment. Ebdo ne sera pas une média d’opinion, notre objectif c’est d’être une presse qui rend possible une opinion.
Personnellement, pourquoi vous être investi dans ce projet?
Je pense que c’est un projet de société ce journal. Je pense que Laurent (Beccaria, président de Rollin Publications, qui édite XXI, la revue de photos 6 Mois et bientôt Ebdo) a raison de chercher à faire un titre de presse qui s’adresse à la classe moyenne à laquelle de plus en plus de gens renoncent à parler. C’est la ligne de fracture de la société: aujourd’hui ces couches ont des problèmes dont globalement la presse, en tous cas hebdomadaire, se fait assez peu l’écho. Ces couches sont considérées avec une forme de condescendance par la presse parisienne. Il y a des gens extraordinaires qui font des choses fantastiques dans la moindre commune de France mais qui ont juste, de temps en temps, un vague reportage dans la presse quotidienne régionale. C’est une vraie question démocratique, ces couches qui sont là et qui restent en jachère d’élites culturelles parisiennes.
Vous pouvez retrouver le projet Ebdo sur son site et vous pré-abonner dans le mois à venir sur sa page Kisskissbankbank.
© Crédits photo: Ebdo / Socialter
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