2/6 Bestiaire médiatique : le politologue
Le politologue a un super-pouvoir : il connaît l'opinion des français. Découvrez le second portait de notre série « Le bestiaire médiatique » dans notre Manuel d'autodéfense intellectuelle.
Le politologue a un super-pouvoir : il connaît l'opinion des français. Découvrez le second portait de notre série « Le bestiaire médiatique » dans notre Manuel d'autodéfense intellectuelle.
Le monsieur qui présentement parle dans mon écran pourrait aussi être handballeur, soudeur, agent de nettoyage, conservateur de musée. Il est politologue. C’est un métier.
Pour l’exercer, le politologue a étudié la politologie. Comme le neurologue a étudié la neurologie et le catalogue la catalogie.
Il n’existe pas de cursus de politologie, car l’Université française enkystée dans le gauchisme tarde à se rallier à la raison. Mais le politologue est diplômé en sciences politiques, parfois en droit public, en droit constitutionnel, en homéopathie. Parfois tout ça à la fois.
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Certains abordent la politique avec passion, assiégeant des camions de flics à Sainte-Soline ; le politologue l’appréhende scientifiquement. Un jour de manifestation, il n’est pas dans la rue, mais au cinquième étage d’un immeuble du boulevard Beaumarchais, d’où il observe le défilé en prenant des notes qu’il synthétise en tableaux faisant clairement apparaître des vérités politiques comme par exemple la nécessité de relever l’âge de la retraite.
Le politologue étudie l’opinion. L’opinion est une réalité objective dont on détaille le comportement grâce à des techniques optiques affutées. L’opinion est l’émanation d’un bloc indivisible dont le nom scientifique est : les Français. D’après ses minutieuses observations à la jumelle (enquête de terrain) ou au microscope (laboratoire), le politologue est en mesure de nous informer que les Français sont très attachés à la voiture. Il a pu le vérifier sur le périphérique parisien où les seuls piétons qu’on croise ne sont pas français mais roumains.
Le politologue nous rapporte aussi que les Français n’ont plus confiance dans leurs gouvernants. Il ne le déplore pas, ni ne s’en réjouit. Le déplorer ou s’en réjouir serait sortir de son rôle. Le politologue doit rester extérieur à la politique, sans quoi il ne pourrait pas la comprendre. C’est pourquoi il a été conseiller pendant quatre ans d’un Premier ministre sans opinion, Manuel Valls, publie des chroniques dans un magazine neutre, L’Express, et dans une revue scientifique, Le Figaro. On peut supposer que le politologue ne vote pas. Ou bien s’il vote c’est pour des candidats qui ne sont ni de droite ni de gauche, des candidats qui n’écoutent pas leur ressentiment mais la raison. Il en existe. Le politologue peut en témoigner, il les a croisés à Sciences Po.
Fort de son expertise, ce politologue qui se trouve être une femme a cofondé un cabinet de conseil en opinion. Le cabinet porte un nom à consonance anglo-saxonne mais c’est bien des leaders français qu’il conseille. Qu’il conseille en opinion.
L’opinion est certes volatile, mais justement le job de la politologue facturée comme conseillère est de rendre compte des mouvements de l’opinion à son client, qu’il soit maire, député, publicitaire, industriel en pleine étude de marché. Si tel édile a l’intention de porter une cravate rouge à l’inauguration d’un centre d’appels dans une zone franche de sa commune, la politique le met en garde : l’opinion ne va pas forcément apprécier car l’opinion n’est pas très portée sur le rouge. Et vous qu’est-ce que vous en pensez ? demande l’édile un rien charmeur. La politologue l’arrête tout de suite : elle n’est pas là pour livrer ses idées personnelles. Mais bon puisque le client insiste, puisqu’il promet à la prestataire que ça restera entre eux, que ce qui se passe à Châteauroux reste à Châteauroux, la politologue consent à lui souffler qu’elle non plus elle n’est pas très rouge.
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