Société numérique

Byung-Chul Han : de la poignée de main

Illustration : Maria Fade

Le philosophe coréen Byung-Chul Han propose une méditation à partir d’une phrase du poète Paul Celan (1920-1970) comparant la poignée de main à un poème. Pour ce professeur à l’université des arts de Berlin, cette image résonne avec notre situation : la pandémie, en généralisant la « zoomification » des relations humaines, a poussé à un niveau inédit la disparition de l’altérité que provoque la numérisation de notre société. Alors qu’il s’en inquiétait dans L’Expulsion de l’autre(PUF, 2020) et La Fin des choses (Actes Sud, 2022), Byung-Chul Han actualise ici sa réflexion critique sur notre condition contemporaine. Et trace, sans optimisme, un horizon pour renouer avec la « magie de la présence » qui, seule, à le pouvoir de nous rendre vivants.

En pleine pandémie, à l’époque où l’on évitait de se serrer la main, mon attention a été attirée par une parole énigmatique de Paul Celan, qui écrit dans une lettre brève et empreinte de mystère : « Seules de vraies mains écrivent de vrais poèmes. Je ne vois pas de différence de principe entre une poignée de main et un poème. » Que pouvait-­il bien vouloir dire ? Qu’est-ce qui constitue de « vraies mains » ? Les mains deviennent-elles « vraies » au moment où elles se donnent à l’autre ? Les vraies mains appartiennent, continue Celan, « à une personne », c’est-à-dire « à une créature animée, unique et mortelle, qui cherche un chemin avec sa voix et son mutisme ». Où s’en vont les mains qui cherchent ? Vers l’autre ? Le contact de l’autre constitue-t-il la vérité de la main ?

Texte issu du second volume de Bascules - Pour un tournant radical - disponible sur notre boutique


Celan poursuit : « Les poèmes, ce sont aussi des cadeaux. » Les cadeaux sont destinés à l’autre. Nous les tendons à l’autre avec nos mains. Comme il n’y a pas de différence entre la poignée de main et le poème, la poignée de main est, elle aussi, un cadeau. Pour Celan, les gens vivent aujourd’hui dans une sombre époque, une époque sans vraies mains, c’est-à-dire sans poèmes : « Nous vivons sous de sombres cieux, et – il y a peu d’humains. C’est sans doute pour ça aussi qu’il...

Débloquez cet article gratuitement !

Débloquez cet article gratuitement !

Accédez à cet article en vous inscrivant sur notre site :
* Accès aux articles abonnés pendant 7 jours
* Notre numéro "À quoi devons-nous renoncer ?" offert en pdf

S'inscrire

S'identifier

Soutenez Socialter

Socialter est un média indépendant et engagé qui dépend de ses lecteurs pour continuer à informer, analyser, interroger et à se pencher sur les idées nouvelles qui peinent à émerger dans le débat public. Pour nous soutenir et découvrir nos prochaines publications, n'hésitez pas à vous abonner !

S'abonnerFaire un don

Abonnez-vous à partir de 3€/mois

S'abonner
NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
Lire le sommaire

Les derniers articles