La maison de Paraschiva Mateiu, éleveuse bovine d’une soixantaine d’années, sera engloutie d’ici deux ans. La menace, d’apparence inoffensive, se trouve au pied de chez elle : un lac aux reflets azur à certains endroits, épais et boueux à d’autres qui, jour après jour, s’infiltre progressivement dans l’herbe sèche de son jardin. Sous cette épaisse couche d’eau, qu’elle guette avec inquiétude depuis la fenêtre de sa cuisine où elle fait couler du café noir, gît ce qui était autrefois son village, Geamăna. Un petit bourg de 400 âmes au cœur des monts Apuseni, dans les Carpates, célèbre chaîne de montagnes en Roumanie. Le front perlé de sueur, Paraschiva s’assoit au bord d’un muret à l’ombre sans quitter des yeux les poules qui déambulent dans son jardin. Elle se retrousse les manches. L’histoire de l’ensevelissement de Geamăna est longue.
Reportage issu de notre numéro 65 « Fric fossile ». En kiosque, en librairie et sur notre boutique.
Tout commence au début des années 1980, sous la dictature communiste de Nicolae Ceaușescu. Le chef d’État affiche son ambition de mettre en place des projets économiques pharaoniques pour faire rayonner la Roumanie à l’international. La découverte inattendue de gisements de cuivre sur les hauteurs du village sans histoires de Geamăna soulève d’abord l’espoir d’une prospérité nouvelle pour ses habitants, qui vivent modestement de l’agriculture, de la poterie...