La cartographie comme outil de luttes

La carte n’est pas juste une symbolisation de données géophysiques, toponymiques ou économiques. Elle trimballe avec elle tout un imaginaire. Qu’on songe, pour s’en convaincre, à la ligne de démarcation formalisée en 1494 entre l’Espagne et le Portugal par le traité de Tordesillas, proclamant que tous les territoires à l’ouest du 46^e méridien appartiennent à la première, et que tous les autres reviennent au second. Ou encore à la conférence de Berlin de 1885, par laquelle les puissances occidentales tracent des frontières avec une règle et un crayon sur le continent africain pour se le partager. Là réside la dimension performative de la carte géographique : elle dit ce qui est là, et ce qui est là est.

Aussi constitue-t-elle un outil de pouvoir qui permet, sous des airs de neutralité et de scientificité, d’asseoir certaines visions du monde. D’où l’intérêt de la cartographie critique que ce « non-atlas » entend populariser pour déconstruire les discours dominants, rendre visibles les multiples prédations dont sont victimes les humains et les milieux et, surtout, lutter contre elles. Quarante cartes militantes et collaboratives sont ici proposées et commentées, comme celle qui met en évidence l’éviction des classes populaires dans le centre urbain de San Francisco, celle de l’accaparement des terres dans les Andes, ou celle réalisée par les sans-abri de Newcastle upon Tyne (Royaume-Uni). Elles sont complétées d’un « petit manuel de cartographie collective et critique », qui aide à concevoir et diffuser ces outils contre-hégémoniques. 

Ceci n’est pas un Atlas. La cartographie comme outil de luttes, kollektiv orangotango+, traduction de Nepthys Zwer, Éditions du commun, 24 février 2023, 350 pages, 25 €.

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À propos de l'auteur

Clément Quintard
Journaliste