Ici, l’aube n’existe pas. Le soleil brûle déjà lorsque ses premiers rayons pointent au-dessus des cimes enneigées du Nevado Tres Cruces, ce volcan haut de 6 749 mètres trônant à la frontière désertique entre le nord du Chili et de l’Argentine. Dès le matin, ses faisceaux blancs et métalliques viennent cogner la tôle ondulée servant de toit à l’abri modeste où Digna se repose. L’odeur âcre de charbon et de viande séchée rappelle que les vivres sont rares dans la vallée San Miguel, que la famille de cette vieille indigène de la communauté colla remonte chaque année depuis des siècles.
Reportage issu de notre numéro 62 « L'écologie, un truc de bourgeois ? », disponible en kiosque, librairie et sur notre boutique.
À l’annonce de l’été austral, au mois de décembre, les Collas parcourent les hauts plateaux de l’Altiplano jusqu’au salar de Maricunga, espace sacré perché à près de 4 000 mètres, pour faire paître leurs bêtes sur les chemins de transhumance ancestraux. À 76 ans, la main enroulée autour d’un bâton de bois, canne hasardeuse devant soulager ses douleurs de hanche, Digna se désole de la réduction de son cheptel : « À une époque, nous avions près de 600 bêtes, mais nous avons dû les vendre. Il ne nous en reste plus que 60 aujourd’hui. »
Chaque année, à mesure que la région s’assèche et que l’exode urbain s’amplifie, le mode de vie nomade des Collas, reconnus par l’État...