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Comment la suppression de l'ISF a semé le chaos dans le monde associatif et solidaire

Les députés ont voté à l'automne dernier la suppression de l'ISF et son remplacement par un impôt sur la seule fortune immobilière. Ce faisant, le gouvernement a fait disparaître des mécanismes d'exonération fiscales dont profitaient des pans entiers de l'économie sociale et solidaire.

« Cette année est un véritable enfer ». Frédéric Tiberghien, président de Finansol, principale association promouvant la finance solidaire, résume le ressentiment général du secteur depuis la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) à l’automne dernier.  

En cause : la disparition de mécanismes qui permettaient auparavant au contributeur de l’ISF de bénéficier d’avantages fiscaux, contre investissement dans des entreprises solidaires. « Ce type de “niches fiscales” permet de compenser la faible rentabilité financière et l'absence de rendement des entreprises solidaires, elles sont donc très importantes », explique Frédéric Tiberghien.

C’est la disparition de l’« ISF-PME » qui inquiète principalement les acteurs économiques. Ce mécanisme permettait une exonération d’impôt de 50%, et jusqu’à 45 000€. Des montants importants dont étaient dépendants certaines organisations. La société foncière Habitat et humanisme, qui permet à des personnes précarisées d’accéder au logement, déclare accuser une perte de 70% de collecte par rapport à l’an dernier.

 

 

Des investissements importants pour les jeunes entreprises

 

La disparition de tels mécanismes d’investissement est problématique car ils permettaient de financer des entreprises innovantes. « La moitié des investissements solidaires sont destinés à des TPE de moins de 3 ans, qui ne peuvent pas se financer autrement. Les banques ne leur prêtent pas forcément car il y a une certaine part de risque. Ce mode de collecte est donc très important car il renouvelle le tissu économique solidaire », détaille le président de Finansol.

L’ISF-PME permettait aussi de financer des acteurs qui ont besoin d’une grande quantité de fonds propre, et qui ont des capacités d’emprunt très limitées. Comme ceux qui achètent de l’immobilier ou des terrains cultivables (logement sociaux, promotion de l’agriculture durable…).

« Dans ces secteurs d’activité, une chute de l’investissement se traduit directement par une baisse de l’activité », explique Émilie Wietzke, directrice de la foncière Terre de liens. Engagé dans la lutte contre la spéculation foncière et l’artificialisation des terres agricoles, Terre de liens permet à de nouveaux exploitants en agriculture paysanne de s’installer à moindre coût.

 

 

Absence de mesure compensatoire

 

Une mesure compensatoire est censée corriger le tir : elle consiste à revaloriser un autre mécanisme d’exonération déjà existant pour contrebalancer la disparition de l’ISF-PME. Mais la loi n’a pas encore été suivie de décret d’application et ne concerne pour l’instant que la seule année 2018.

La situation n’a donc pas fini d’exaspérer. « Les conséquences de la suppression de l’ISF n’ont pas été anticipées, on a vraiment l’impression que tout s’est fait dans la précipitation », regrette Émilie Wietzke.

 

Chute des dons

 

L’investissement solidaire n’est pas la seule variable économique à pâtir de cette situation. Le volume de don est également touché : le remplacement de l’ISF par l’IFI, a considérablement réduit l’assiette imposable, et donc le montant des dons déductibles. Moins d'imposition, c’est moins d’incitation fiscale à donner, et donc moins d’argent pour irriguer l’économie sociale et solidaire.

La fondation Terres de liens estime que le passage à l’IFI a fait chuter de 50% le montant de sa collecte de dons. « Ce sont autant d’activités qui vont mourir, ou de projets qui vont être abandonnés…», conclut Émilie Wietzke. « Et si ce n’est pas nous — la société civile — qui prenons en charge ces problèmes, qui va le faire ? »

 

 

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