Il y a trois ans, Marine de Beaufort, décide de quitter son bureau de consultante à la Défense pour partir faire une étude sur l’éco-tourisme en Amérique Centrale. Une fois sur place, elle se rend compte qu’il est très difficile de trouver de vraies adresses éco-responsables. Tandis que de nombreux établissements cités dans les guides sont adeptes du green-washing (stratégie marketing visant à faire croire que le service proposé est écolo) d’autres, qui ne revendiquent rien et font beaucoup, sont invisibles. Les labels aussi, de par la rigidité de leurs critères et leur coût, ne s’avèrent pas d’une grande aide. Pour pallier ces lacunes sans pour autant passer par une agence de voyage, Marine décide de créer un "Trip-advisor responsable".
Avec le site Voy’agir, on peut choisir un restaurant ou un hôtel non seulement en fonction de son prix et de son emplacement mais aussi des engagements pris par l'établissement, et classés par hashtags (par exemple #SlowFood, #HomeMade ou #MateriauxRecyclables).
Tourisme et "actions positives"
Du côté des établissements touristiques, Voy'agir valorise les bonnes pratiques pour montrer aux autres acteurs qu’il peut être économiquement viable d’avoir un comportement éco-responsable. Ici, une auberge de jeunesse qui fait le tri, là un restaurant qui favorise les circuits courts ou ré-utilise les eaux usées... La communication de Voy’agir se veut positive et non alarmiste ou moralisatrice.
Côté voyageurs, le site pourrait rapidement devenir une référence pour trouver (facilement) les établissements et les activités en phase avec les valeurs de chacun. La fiabilité des informations sera créée par la masse d'avis d'utilisateurs. Pour l’heure, 200 adresses sont déjà répertoriées dans plus de 25 pays du monde.
Voy’agir est aussi une réponse à la difficulté structurelle des agences de voyage qui se sont lancées dans le tourisme responsable. “Notre clientèle vieillit, il est donc capital pour nous de réussir à intéresser les moins de 40 ans, alors même que les premiers voyages se font de plus en plus tôt —avec les backpackers” témoigne le directeur de l’agence Rencontre au bout du monde. Leurs offres de voyages organisés sont fort peu séduisantes aux yeux de nombreux voyageurs. Ces agences ont du mal à toucher une population plus jeune, plus à l'aise sur le web.
Sur la forme il n’y a donc pas de concurrence en France —il existe une plateforme similaire en Suède et en Finlande. Sur le fond, Voy’agir a une plus-value non négligeable: faire appel à l'évaluation des voyageurs permet au site de ne pas avoir de critères rigides (comme dans un guide, une agence ou un label), tout en garantissant un contrôle permanent des pratiques répertoriées.
Voyager responsable n’est plus réservé à une élite.
“45% de la population voudrait une consommation plus responsable” affirme Marine. Lors de son périple à l’étranger, elle a rencontré des voyageurs très engagés, d’autres en questionnement. Sa plateforme s'adresse à tous: il s'agira d'abord de mobiliser les engagés, puis de sensibiliser les seconds en leur offrant un outils simple d’utilisation pour un accès aux adresses "positives" mais aussi à des contenus pédagogiques. Une formation ludique sera mise en ligne afin de devenir un “voy’acteur” accompli, apte à dénicher les initiatives durables. Si la tendance low cost (le moins cher possible) est à la mode, celle du tourisme responsable l’est aussi. Les deux ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Pour réduire son impact, on peut par exemple utiliser les transports en commun, des vélos, ou préférer les restaurants locaux plutôt que ceux qui importent leurs produits de l'étranger.
Une représentante de l’ATES (association pour un tourisme équitable et solidaire) observe que la demande de voyages durables est de plus en plus forte “C’est comme le phénomène du bio il y a quelques années. Au début, il n’était que le fait de riches bobos puis, il s’est démocratisé”. Voy’agir s’inscrit pleinement dans cette évolution en rendant accessible à tous ce type de voyage, et en entamant l’ubérisation du tourisme durable.
2017, la fin du "touriste consommateur colon"?
“Avec plus d’un milliard de touristes internationaux qui sillonnent désormais le monde chaque année, le tourisme est devenu une grande force de transformation" déclarait Ban Ki-moon (ancien Secrétaire général de l’ONU) il y a deux ans. Pour encourager les acteurs à ce saisir de ce potentiel, l’ONU a proclamé 2017 l’Année Internationale du Tourisme Durable pour le Développement.
“Le voyage est un outil formidable pour ouvrir les esprits" rappelle la fondatrice du site Voy'agir. L'imaginaire du touriste (esprit de consommation) et celle du voyageur (volonté de partage) font des voyages des occasions de "sensibiliser à une consommation plus responsable lors de son périple comme au retour, dans la vie quotidienne”. Être "voy’acteurs" c’est en finir avec les ego-trip, questionner “notre impact à nous, voyageurs, sur les lieux visités et les personnes rencontrées”, peut-on lire dans la campagne de crowdfunding du site. En effet, si les endroits que nous visitons “nous apportent beaucoup, allant parfois jusqu’à bouleverser nos vies, la moindre des choses serait de faire la réciproque” insiste Marine.
L'année 2017 est donc une opportunité unique d’accroître la contribution du secteur touristique aux trois piliers de la durabilité tels que fixés par l'ONU: le pillier économique (diminuer les inégalités par des échanges équitables, créer de l’emploi), le social (préserver les cultures et les valeurs traditionnelles) et l’environnemental (consommation énergétique, hébergements, transports).
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