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Contre la précarité étudiante, une épicerie solidaire

Dans le cadre du partenariat entre Socialter et l'IEP de Lyon, master Journalisme, Médias et Territoires, des étudiants ont réalisé une série de reportages. Dans cet épisode : la précarité étudiante. Pour pallier la réduction du niveau de vie des étudiants, la FAGE (la Fédération des associations générales étudiantes) a mis en place les AGORAé, des épiceries solidaires aux prix cassés. La première du genre a vu le jour à Lyon il y a cinq ans. Bilan de cette initiative.

"L’AGORAé m’a permis de mieux manger et d'épargner un peu d’argent pour redescendre dans le Sud voir ma famille, confie Patrick (23 ans). Ça a aussi réduit mon isolement." Cet étudiant de master en électronique et automatique doit travailler en parallèle de ses études pour subvenir à ses besoins. L’épicerie solidaire lui a permis de réduire son temps de travail et d’avoir une alimentation plus saine. Chaque semaine, il se rend à l’AGORAe située sur le campus de l’Université Lyon 1, à la Doua. Dans les allées, ressemblant à celle de n'importe quelle épicerie, il y retrouve des produits de première nécessité et d’autres de marque. "Venir ici, c’est comme aller au supermarché", confirme-t-il. À l’exception près que le tarif des articles y est plafonné à 20% du prix du marché. "Je n’ai jamais osé aller aux Restos car c’est assez connoté, confie pour sa part Pierre, 19 ans. Mais l’AGORAé, c’est différent. C’est comme aller au supermarché, tu choisis tes articles, tu payes, tu pars… ça fait plus 'normal'."  

Cette épicerie constitue en effet une réponse concrète à un constat alarmant : selon l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), un étudiant sur dix vit dans une situation précaire. Pour y remédier, la FAGE monte alors ces épiceries alternatives. Selon l'association, 89% des bénéficiaires ont le sentiment que leur régime est devenu plus sain et 84% déclarent avoir arrêté de diminuer les quantités pour des raisons financières. "C'est un lieu pour améliorer la qualité de vie des étudiants", résume simplement Meryl Srocynski, vice-présidente chargée des affaires sociales au sein de l’association qui porte ce projet, la FAGE. Aujourd'hui, il en existe quatorze en France, et une quinzième accueillera bientôt des étudiants à Clermont-Ferrand. La victoire de ce projet au concours La France s’engage en 2016 devrait par ailleurs permettre sa labellisation et renforcer sa visibilité.

Le projet s’autofinance grâce aux ventes de l’épicerie et les événements organisés. Il bénéficie également du soutien de nombreux partenaires tels que PSA, Carrefour, La France s’engage, la Banque alimentaire, Virgin Radio… Grâce à ces soutiens, les étudiants bénéficient de réductions pour aller voir des matchs de basket, de rugby, de foot ou de hockey. L’épicerie propose également des paniers de fruits et légumes, des cours de cuisines, dispose d’une bibliothèque participative et de nombreux jeux de sociétés. "C’est tout cela qui fait que l’AGORAé lutte à la fois contre la précarité à travers la partie épicerie et contre l’isolement à travers les activités", résume Antoine Rocher, vice-président du Groupement des associations et des élus étudiants de Lyon, indépendants et solidaires (Gaelis) en charge du projet.

Un lieu de vie et d'échange

Pour briser cet isolement, rien de tel que de s'investir soi-même pour faire vivre le lieu. À ce titre, outre les critères sociaux, l'AGORAé accompagne les étudiants à condition qu’ils s’investissent dans le projet. Ces épiceries font appel à une véritable entraide, à de la solidarité plus qu'à de l'aide sociale. "Quand un étudiant va dans l’une d’elles, il est acteur, analyse Dounia Besson, adjointe au maire de Lyon chargée de l’économie sociale et solidaire. Il n’est pas bénéficiaire, mais il est au cœur du projet." Même les responsables des aides sociales destinées aux étudiants, le voient comme un outil complémentaire : "Les assistantes sociales du CROUS de Lyon renvoient souvent des étudiants vers l'AGORAé", témoigne Stéphanie Thomas, directrice de la vie étudiante au CROUS de Lyon.

Malgré tout cela, l'AGORAé a aussi ses détracteurs. Le président de l'antenne lyonnaise de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), Majdi Chaarana, qualifie cette épicerie d'"arnaque".  "L'AGORAé obtient des produits gratuitement mais les vend aux étudiants au lieu de [les leur] donner", souligne ce dernier. Deux visions s'opposent alors : celle de l'UNEF qui souhaite une aide gratuite et celle de la FAGE qui souhaite qu'un prix minimum soit fixé pour lutter contre le sentiment d’assistanat et assurer la pérennité du projet.

Aujourd'hui, la FAGE continue de croire en son projet. Selon elle, il est nécessaire de monter d’autres AGORAés face à des bourses qui ne s’adaptent pas assez rapidement à l’augmentation du niveau de vie. Etudiante en psychologie, Coralie, 22 ans, explique : "Suite à une infime augmentation du salaire de mes parents, j’ai été privée de bourses cette année et suis maintenant obligée de me salarier en plus de mes études. L’AGORAé me redonne un peu d’indépendance et m’évite trop de privations." En effet, selon une évaluation interne, 66% des bénéficiaires de l’épicerie solidaire accèdent à des produits auparavant trop chers et se sentent moins anxieux vis-à-vis de leurs fins de mois.

 

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