On parle beaucoup de crowdfunding, et de plus en plus du crowfunding immobilier. Chez Hexagon-e, vous parlez de «crowdbuilding». Pouvez-vous le définir en quelques mots ?
«Crowd» pour «ensemble», «building» pour «bâtiments». En travaillant, on s’est aperçus que les termes «crowdfunding immobilier» étaient très employés, à tort ou à raison, et pour des réalités différentes. On a donc voulu qu’au moment de financer l’acte de bâtir il y ait un terme spécifique, d’où le mot «crowdbuilding». Dans la terminologie, on parle de crowdlending, de crowd equity ou encore, en France, de don. Le crowdfunding immobilier est particulièrement employé pour l’acquisition d’actifs existants, déjà réglementés sous d’autres biais. Nous n’investissons pas dans un bien immobilier : nous le construisons. Voilà pourquoi nous avons souhaité nous démarquer en créant ce terme de «crowdbuilding».
À quels besoins répond le crowdbuilding ?
Il existe un réel déficit de construction en France, et une attribution des logements sociaux très peu transparente selon les régions. On le voit bien en Île-de-France et dans les grands bassins actifs : Nantes, Lyon, Lille, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Marseille... Certaines populations sont mises de côté. Les jeunes actifs qui ne bénéficient pas encore de CDI, contrat de plus en plus rare, sont impactés. C’est aussi le cas des populations situées légèrement au-dessus des minima sociaux, qui ne sont pas forcément éligibles pour le secteur social. Ce qui fait qu’un marché est dynamique, c’est son nombre de logements, soit l’équilibre entre l’offre et la vente. Pour nous, la solution est de participer au financement de petits projets d’entreprises sur des cycles courts, variant de deux à quinze mois. Voilà ce qui crée de l’emploi, de la valeur et du logement.
Comment ça marche, concrètement, si je souhaite investir dans un projet ?
Les gens vont tout simplement sur la plateforme hexagon-e.com, découvrent en première page les projets que nous avons actuellement en cours de financement, puis ils s’inscrivent gratuitement. Ils peuvent alors déclarer une intention sur un projet. Je parle bien d’intention : c’est-à-dire que le projet l’intéresse, et qu’il est prêt à investir 500 €, 1000 €, 1500 €. L’investisseur peut choisir autant de projets qu’il le veut, et répartir la somme choisie comme il le souhaite. Le retour sur investissement est de 5 à 10 % par an en moyenne, ce qui n’est pas négligeable.
Existe-t-il un profil type d’investisseur et observez-vous un véritable engouement pour ce type d’investissement ?
Difficile à dire ! Il y a déjà plus d’hommes que de femmes qui investissent dans le crowdbuilding. Ce sont souvent des personnes de 35 à 45 ans. En parallèle, on remarque aussi beaucoup de jeunes. Ceux qui commencent à développer une perception de l’épargne ne tardent pas à s’y intéresser. Notre marché est en plein essor aussi grâce à ces jeunes qui veulent faire une action sociale, en plus ils donnent un côté plus «sexy» au crowdbuilding. On a donc d’un côté des personnes plus âgées, et de l’autre des jeunes présents sur le marché qui souhaitent investir dans quelque chose qu’ils connaissent, où il y a de la transparence, tout en conservant une certaine rentabilité.
Quels sont les risques potentiels quand on fait du crowdbuilding ?
Quoi qu’il arrive, l’investisseur ne peut jamais perdre plus que son capital : c’est un point fondamental pour nous. Le risque principal pour un investisseur serait un dérapage important de l’opération. Chez Hexagon-e, nous vérifions aussi la partie juridique et la maîtrise du terrain. Nous pouvons aussi rencontrer des problèmes quant à la technique de construction et, bien sûr, si une modification du marché immobilier survient. Même quand on exige un taux fort au départ, le risque demeure. La météo est aussi un facteur pouvant retarder une construction.
Qui sont les intermédiaires immobiliers impliqués dans une opération ?
La SCCV (Société civile immobilière de construction vente, ndlr) est le maître d’ouvrage du projet : c’est elle qui achète le terrain et finance les travaux nécessaires. Entre elle et l’investisseur, on place une deuxième société, la SAS (Société par action simplifiée). Cette dernière émet des obligations et reçoit l’argent, qu’elle transfère ensuite à la SCCV. Le promoteur, quant à lui, contrôle tous les programmes en cours. Avec Hexagon-e, nous suivons les projets mais nous n’y sommes pas associés : nous fonctionnons selon un principe de neutralité.
Les promoteurs bénéficient donc eux aussi du fonctionnement du crowdfunding ?
Tout à fait. La situation actuelle du promoteur est la suivante : les opérations sont devenues plus longues, les permis de construire plus durs à obtenir, la commercialisation prend plus de temps. L’intérêt du crowdfunding pour le promoteur est qu’il sera moins dépendant des banques. Nous bénéficions d’une souplesse nous permettant de financer des projets qui sont viables. Certes, nous ne sauverons pas un programme qui semble «pourri», mais nous continuons d’aider le promoteur. Au final, il y a plus d’emplois, plus de logement, les promoteurs sont contents et les investisseurs reçoivent leur rémunération : tout le monde est gagnant.
Sur combien de projets travaillez-vous actuellement, et quel est votre objectif d’ici la fin de l’année ?
Nous travaillons sur douze projets en ligne, et en avons une douzaine dans les cartons. D’ici la fin de l’année, j’aimerais avoir financé une dizaine de programmes. Si je pouvais en financer trente, ce serait génial ! Cela équivaut à 1 200 logements, soit 2 000 emplois, c’est très positif.
Quel sera le crowdbuilding de demain ?
Beaucoup d’intervenants vont apparaître. Espérons qu’ils soient tous très responsables, car le crowdbuilding est un vrai mode de financement, profondément ancré dans l’économie française. L’essentiel de l’économie a traditionnellement été financé par le secteur bancaire, puis 20% par le marché financier. Le crowdbuilding met sur un même pied Monsieur Martin, promoteur à Montélimar faisant cent logements par an, et un leader de l’immobilier comme Kaufman & Broad. Le premier a désormais accès à un marché obligataire avec un taux acceptable, de la même façon que Kaufman. Il y a donc une remise à égalité.
Emmanuel Da Costa est diplômé en Droit des Affaires et titulaire d'un DESS juriste Européen. Expert dans le financement des opérations de construction et de promotion, il a fondé Hexagon-e en 2014.
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