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Alors que la ministre des armées Florence Parly vient d'annoncer que la France allait armer ses drones Reaper (de fabrication américaine), le débat autour des drones de guerre bat son plein. Quels effets ont et auront ces machines sur notre rapport au combat ? Les frontières du droit vont-elles exploser en vol ?
Les récentes sorties de l'entrepreneur Elon Musk (Tesla, SpaceX) contre l'intelligence artificielle ont au moins eu un mérite : alerter le commun des mortels que des armes tueuses et autonomes ne sont plus du ressort de la science-fiction. Pour autant, la ministre Florence Parly se veut rassurante et rappelle que les "robots tueurs" ne sont pas encore d'actualité, le choix du gouvernement français serait avant tout guidé par une recherche d'efficacité. Des économies, moins de morts au combat : dans le discours officiel, les drones sont le prolongement naturel d'une guerre plus propre, plus moderne. Vraiment ?
Des armes qui changent dans une guerre qui change
Pour bien comprendre l'essor des drones de guerre, il faut remonter au traumatisme du 11 septembre aux Etats-Unis. L'Amérique de Georges W.Bush entre en guerre avec fracas et commence la traque - qui durera 10 ans - de Ben Laden et d'un certain nombre d'autres terroristes. L'envoi des troupes au sol s'accompagne alors pour la première fois de drones armés (2002).
Dans ce tournant du XXIe siècle, la guerre classique (déclarée, limitée dans l'espace et dans le temps) laisse place à un "état de violence plus indéterminé, flou, insidieux et permanent", indique le chercheur Panpi Etcheverry. Dans ce flou, les armes à haute composante technologique rassurent. Elles se veulent précises (on se souvient des "frappes chirurgicales"), plus efficaces et même... préemptives.
Sous l'ère Obama, l'usage des drones est systématisé. Le nouveau président des Etats-Unis ne souhaite plus envoyer ses troupes au sol après le bilan irakien. Les frappes deviennent routinières (environ 25 en 2012 selon Panpi Etcheverry), sept fois plus que sous l'ère Bush. Si le courage n'existe pas sans danger et est consubstantiel au fait de se sacrifier, alors la stratégie des Etats-Unis a perdu en courage avec la distance que les drones renforcent entre la grande puissance et ses ennemis désignés.
La primauté donnée à l'information
La montée en puissance des drones ne fait plus débat, ils s'utilisent aujourd'hui par dizaines de milliers. Et pour cause, un drone peut voler jusqu'à trente heures sans se fatiguer, quel pilote peut en faire autant ? Notons cependant que si un drone est "inoccupé", il n'en nécessite pas moins une centaine de personnes au sol en charge des opérations.
L'autre innovation dont on parle moins est plus technique : l'usage des drones s'appuie largement sur la récolte massive de données sur les cibles à éliminer (après un contrôle humain). Ces données peuvent générer des "signature strikes", c’est-à-dire une décision de faire feu sur des inconnus à partir des comportements jugés "à risque" déterminés à partir de profils de mouvements, des communications entendues ou des interlocuteurs connus qui pourraient témoigner d'une appartenance à un groupe à combattre. Comme toute machine, le drone n'est pas exempt de bugs ni d'erreurs humaines. Entre 2004 et 2013 au Pakistan, 370 frappes de drones ont tué 2537 à 3533 individus, dont 411 à 884 civils, selon les chiffres communiqués par le Bureau of Investigative Journalism.
La guerre n'est pas finie
Les questions que posent les drones sont à la fois stratégiques, juridiques, éthiques, géopolitiques et sécuritaires. Leur essor fait écho à un climat où la gestion de l'insécurité est devenue la nouvelle doctrine. Plutôt qu'entrer dans un combat de front (voire "sur le front"), le rôle des grandes puissances s'est plus moins mué en celui d'une police mondialisée, capable d'intervenir partout sur le globe pour agir aux frontières de la légalité. Plutôt que de terminer la guerre une fois pour toute, les nouvelles techniques, et notamment les drones, ont ouvert la voie à une "guerre sans fin", mais certainement pas sans morts.
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