Les détecteurs de mensonges : recherche d’aveux et traque de la vérité
Découvrez notre recension de « Les détecteurs de mensonges » de Vanessa Codaccioni aux Éditions Textuel.
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Les détecteurs de mensonge occupent une place de choix dans les films américains. Ceux qui les croient réservés à la fiction devraient lire l’ouvrage que leur consacre Vanessa Codaccioni, politiste et professeure à l’université Paris-VIII. Cette spécialiste de la justice pénale et de la répression nous apprend que le détecteur de mensonge est toujours utilisé dans une cinquantaine de pays (principalement en Belgique, en Inde, aux États-Unis et en Russie), mais surtout qu’il a évolué vers des techniques de plus en plus intrusives.
Dans un historique instructif, l’autrice nous rappelle que le détecteur de mensonge, d’abord sous la forme du polygraphe, a été pensé comme un substitut à la torture pour obtenir les aveux de suspects dans le cadre d’affaires criminelles. Mais il s’est vite émancipé de ce seul usage. À l’époque où l’homosexualité était encore un délit, l’administration américaine utilisait par exemple le polygraphe pour « révéler », chez certains de ses fonctionnaires, ce qu’elle considérait comme une déviance dans le but de leur retirer leur habilitation. Les évolutions contemporaines du détecteur de mensonge détaillées par l’autrice font tout aussi froid dans le dos. Du « phallomètre » (brassard autour du pénis) pour prévenir la récidive des délinquants sexuels, à l’électroencéphalogramme pour détecter des souvenirs d’actes délictueux, ces instruments traquent le mensonge jusque dans nos cerveaux. Dans la dernière partie du livre, Vanessa Codaccioni alerte sur les usages controversés des détecteurs de mensonge nouvelle génération, contrôlés par l’intelligence artificielle.
Au-delà des discriminations déjà documentées sur les personnes racisées et non binaires, la généralisation de ces IA dans les aéroports ou dans les entreprises pourrait nourrir le « marché de la suspicion ». L’industrie du détecteur de mensonge est florissante, malgré un paradoxe : en deux siècles d’existence, aucune étude n’a réussi à démontrer que ces instruments au service de la vérité fonctionnent. Mais dans une société où technologie rime de plus en plus avec surveillance, le détecteur de mensonge a de beaux jours devant lui.
Les détecteurs de mensonge : Recherche d’aveux et traque de la vérité Vanessa Codaccioni Textuel → janvier 2024 - 160 pages - 17,90 €
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