Extrême-droite et climat

Édito. Air Farce One

Illustration par George(s)

Découvrez l'édito de notre numéro 67 « Résistances rurales : face à l'extrême-droite, comment lutter depuis les campagnes ? » par Elsa Gautier, rédactrice en chef de Socialter.

Il faut bien l’admettre : regarder un discours de Donald Trump a quelque chose de fascinant. Quatre ans après avoir déclenché l’assaut carnavalesque du 6 janvier 2021 sur le Capitole, le président réélu en novembre se montre plus bouffon, plus outrancier que jamais. En plus de digresser crânement pendant des heures, désormais il danse, et improvise des mimes obscènes. Mais le roi du « no limit » n’est plus seul en scène. Comme une série de mèmes inquiétants, les politiciens clownesques se multiplient à sa suite dans les lieux de pouvoir, à l’instar du libertarien argentin Javier Milei, élu tronçonneuse à la main il y a un an.

« La farce est la forme esthétique du discrédit », interprète l’écrivain et chercheur Christian Salmon1. Contre l’ordre néolibéral, dont la légitimité n’en finit pas de s’effondrer depuis la crise financière de 2008, les figures transgressives de l’extrême droite réussissent ainsi à fédérer les ressentiments contre le « système ». « Pour Trump, il ne s’agit plus de gouverner à l’intérieur du cadre démocratique, selon ses lois, ses normes, ses rituels, mais de spéculer à la baisse sur son discrédit. » Et la cote de la démocratie semble en chute libre outre-Atlantique.

Si le grotesque des facéties de Trump ne cesse pas d’étonner, son programme en matière d’écologie et de climat est en revanche sans surprise. Nulle part les partis nationalistes ne se drapent de vert pour conquérir le pouvoir. Mouvement de défense de l’ordre établi, l’extrême droite s’attache partout à soutenir les intérêts en place, de l’agro-industrie à l’économie fossile. Aux États-Unis comme ailleurs, ce qui est à craindre n’est à l’évidence pas un « écofascisme »2. Car la possibilité d’une hybridation théorique entre écologie et extrême droite, qui a alimenté certaines conversations ces dernières années au sein de la gauche en France, ne concerne en réalité qu’une poignée d’intellectuels et de groupuscules identitaires ultra minoritaires.

Fidèle au vieux slogan républicain « Drill baby drill » (Fore, bébé, fore) repris pendant sa campagne, Trump a lui prévu de se retirer une nouvelle fois de l’Accord de Paris et a nommé au secrétariat à l’énergie le climatosceptique Chris Wright, PDG de l’entreprise Liberty Energy, spécialisée dans la fracturation hydraulique. L’Agence de protection de l’environnement (EPA) revient à un de ses fidèles, Lee Zeldin, dont la priorité est de « restaurer la domination énergétique » des États-Unis. L’ONG Carbon Brief a ainsi estimé que l’élection de Trump devrait conduire à un surplus d’émissions de 4 gigatonnes d’équivalent CO2 à l’horizon 2030 par rapport à la trajectoire actuelle, soit 10 ans d’émissions sur le sol français3.

« La montée de l’extrême droite n’apparaît dans aucun modèle climatique », faisait justement remarquer en 2020 le Zetkin Collective dans l’ouvrage collectif Fascisme fossile. Ce paramètre politique oublié pourrait bientôt devenir perceptible dans les courbes d’émissions. Et achever de rendre l’atmosphère irrespirable.

1. x, Les Liens qui libèrent, 2024. 

2. Voir : Pierre Madelin, La tentation écofasciste, (Ecosociété, 2023), Antoine Dubiau, Ecofascismes, (Grevis, 2022)

3. « Analysis: Trump election win could add 4bn tonnes to US emissions by 2030 », Carbon Brief, 6 mars 2024.

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NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
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