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[Edito] Ni Tartuffe, ni Don Quichotte : comment nous pouvons résister à l'ubérisation

Le numéro 28 de Socialter, qui sort aujourd'hui en kiosque, consacre un dossier à toutes les initiatives qui entendent endiguer l'ubérisation. Coopératives, entreprises, associations, mairies, États... une résistance s'organise.

Peut-on encore prendre la défense de l’économie dite "collaborative" ? Les journaux sont noircis des récits de ces travailleurs précaires ou en voie de précarisation, à qui l’on fait miroiter le rêve d’être entrepreneurs de leur vie. Les plateformes, géants unicornes, œuvrent dans les zones grises du droit, neutralisent Bruxelles et Washington par un art consommé du lobbying, édictent les règles et dictent les conduites, tout en faisant disparaître, par un habile mais légal tour de passe-passe, l’argent du contribuable via des États-écrans confortablement nichés au cœur même de l’Europe. Les villes sont emportées par un tourisme de masse nouveau, horizontal et dérégulé, accélérant la gentrification et transformant des quartiers entiers en vitrine pour week-end easyJet. Nous faisons enfin, littéralement, l’économie du coup de main : personne n’aide plus, chacun monnaie. L’économie collaborative a fait peau neuve : place à l’ubérisation. 


Mais comment y résister ? Comment contrer ce capitalisme de plateformes qui tend au monde un visage souriant et progressiste ? Alors que les effets délétères pleuvent, les anciens thuriféraires de la numérisation à tout crin s’abritent sous les balcons et posent en apôtres d’un encadrement plus strict des « excès » de ce modèle. En face, on trouve les partisans d’un refus catégorique à toute idée de plateformes organisant et monétisant les échanges, sans tenir compte de l’inertie de consommateurs déjà habitués – sinon accros – à ces outils. Nous nous retrouvons coincés dans une opposition entre Tartuffe et Don Quichotte. Une troisième voie se dessine pourtant, tandis qu’une multiplicité d’acteurs entend se réapproprier les espaces numériques. Municipalités, entreprises, coopératives, militants des communs et du logiciel libre commencent à nouer de nouvelles alliances contre l’ubérisation, et esquissent les contours d’un modèle technique et économique plus social et solidaire. Plutôt que d’espérer que d’hypothétiques régulations pointent un jour à l’horizon, ils se battent dès maintenant pour fixer un nouveau cap. Et nous rappellent que la critique ne peut se passer de l’alternative.

Philippe Vion-Dury,
Rédacteur en chef



Retrouvez le dossier de notre numéro 28 en kiosque :




Le partage des restes. De quoi “l’ubérisation” est-elle le nom?
Uber killers. Ils ont lancé une croisade contre l’ “ubérisation”.
Coopératives 2.0. Le coopérativisme peut-il vaincre les plateformes ubérisantes?
Planétarium. Tour du monde de la résistance.
La loi, quelle loi? Comment protéger les travailleurs?
Plateformes en commun. Quelles alliances pour résister aux entreprises “ubérisantes”?
Ennemi public. Quand les villes se rebellent contre l’ “airbnbisation”.

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