Édito. Tous se former pour tout transformer

Découvrez l'édito de notre n°69 d'avril-mai 2025 « Éducation populaire : la révolte, ça s'apprend ? », par Elsa Gautier, rédactrice en chef de Socialter.
Découvrez l'édito de notre n°69 d'avril-mai 2025 « Éducation populaire : la révolte, ça s'apprend ? », par Elsa Gautier, rédactrice en chef de Socialter.
« On ne changera pas cette société sans apprendre, ni explorer, ni expérimenter », proclame le manifeste de l’École des vivants, un écolieu lancé dans les Alpes-de-Haute-Provence en 2021 par un collectif dont fait partie le romancier Alain Damasio. Et de fait, une immense soif d’apprendre parcourt ces dernières années les rangs de la nébuleuse écologiste, toutes tendances confondues.
Les lieux où se former se multiplient, de l’Académie du climat ouverte en 2021 à Paris aux chantiers organisés par le collectif Reprises des savoirs depuis 2022, en passant par l’« école populaire du climat » inaugurée fin 2024 à Saint-Ouen, sans compter les innombrables fresques, ateliers de maraîchage ou balades naturalistes proposés par le milieu associatif partout en France.
Car la bifurcation écologique appelle l’émergence d’une culture nouvelle. Il s’agit d’abord de s’approprier les savoirs scientifiques sur les bouleversements en cours du climat et de la biodiversité, leurs causes et leurs impacts inégaux, aujourd’hui attaqués frontalement par les climato-obscurantistes de l’administration Trump1.
Mais aussi de renouer avec une sensibilité longtemps atrophiée au monde vivant, et avec des pratiques de subsistance, de soin des objets... Aux yeux de ses promoteurs, la « culture du vivant » ne se réduit ainsi pas à un corpus de connaissances qu’on enseignerait à une élite. « Elle relève même plutôt de pratiques populaires, de jeux collectifs, de troc de trucs et de transmissions sensorielles2. »
Mêlant apprentissages manuels, savoirs théoriques et expérience vécue, contre l’intellectualisme élitaire souvent prégnant dans les milieux de gauche, de nombreuses initiatives écologistes s’inscrivent ainsi dans le sillage des pédagogies alternatives et de l’éducation populaire.
Dans le même temps, de nombreux militants de l’« éduc’ pop », ancrés dans les quartiers populaires, s’emparent désormais des questions d’inégalités environnementales. Travaillant à renforcer la puissance d’agir d’habitants éloignés des arènes politiques, certains, comme l’Alliance citoyenne, s’inspirent des méthodes du community organizing, forgées par l’activiste Saul Alinsky dans les années 1930 aux États-Unis, pour construire des rapports de force locaux autour d’enjeux sociaux et écologiques, comme la rénovation thermique des immeubles.
D’autres comme Mathieu Depoil, dont la maison de quartier anime un potager collectif en banlieue de Dijon, invitent « à repenser la transition écologique par une éducation de proximité, de pleine nature, inscrite dans le milieu de vie des personnes et en lien immédiat avec les questions de justice sociale3. » Les pratiques de l’éducation populaire pourraient bien ainsi constituer un levier essentiel pour que l’écologie s’enracine dans le quotidien de la France populaire.
Édito de notre n°69 « Éducation populaire », disponible en kiosque à partir du 16/04, sur notre boutique et sur abonnement.
Notes
1. Lire notre entretien avec Christophe Cassou et Philippe Grandcolas.
2. Manifeste de l’Écoledes vivants, 2021.
3. « Éducation populaire et écologie sociale : vers une (re)politisation des pratiques pédagogiques ? », article de blog, mars 2025.
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