A compléter

Elle va faire le tour du monde pour faire connaître les semences paysannes

Auriane Bertrand, jeune diplômée en commerce passionnée par les questions d'agriculture, est en pleine préparation de son "Seed Tour". Un voyage engagé sur le thème des semences paysannes. Rencontre.

Auriane Bertrand retourne son portable d’un geste vif pour montrer une vidéo publiée sur son compte Instagram. On y voit quelqu’un prendre une poignée de graines dans un récipient et l’y laisser retomber quelques instants plus tard, laissant le vent emporter la poussière.

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“C’est la technique dite “égyptienne” pour trier les semences”, explique la jeune femme, qui revient d’un stage à la Ferme des Trembles, dans le Berry. Une ferme pas comme les autres, qui met en lumière les semences paysannes -c’est-à-dire sélectionnées par les paysans eux-mêmes selon leurs caractéristiques et leur adaptation à l’environnement local, au contraire des semences industrielles.

Auriane Bertrand multiplie ce genre de stages et de rencontres pour préparer son “Seed Tour”. En janvier, elle mettra son travail de business developer entre parenthèses et partira pour un voyage d'un an : au Mexique, au Sénégal, en France et en Inde pour échanger avec des producteurs, des scientifiques ou encore des consommateurs sur la question des semences paysannes. Elle prévoit aussi un détour par Cuba, cas intéressant puisque “pendant des années l’agriculture y était 100% bio du fait de l’embargo américain”.

"On rend les producteurs dépendants des semences qu'on leur impose"

Petit carnet de notes noirci à la main, Auriane Bertrand égrène les chiffres. Elle évoque ces quelques “groupements de semenciers qui contrôlent 60% du marché mondial des semences certifiées”, et qui rendent dépendants les agriculteurs. Ou encore cette tendance drastique à l’augmentation de la taille des exploitations, au détriment des petits producteurs : en cinquante ans, la France a ainsi perdu plus des trois quarts de ces agriculteurs.

Tout cela, la jeune femme l’a découvert lors de ces lectures et au gré de ses rencontres. Durant ses études de commerce à Rouen, elle réalise un stage qui la met au contact des agriculteurs. C’est à partir de là qu’elle s’est intéressée aux questions d’agriculture : “je ne viens pas du tout de ce milieu”. Le sourire aux lèvres, elle essaie d'expliquer sa fascination pour les paysans et leur attachement à la terre. “Je ne sais pas par où commencer”.


Un voyage-reportage


Tout au long de son voyage, elle compte organiser plusieurs événements mais aussi filmer 45 interviews et les poster sur son
blog. Son objectif : “changer les comportements de consommation” et “favoriser le développement d’une agriculture basée sur un choix conscient et libre des semences”.

“Il n’est pas normal que les producteurs ne puissent pas vendre ce qu’ils veulent”, s’indigne la jeune femme. En effet, depuis 1949, il est interdit en France d’écouler des semences qui ne sont pas inscrites au Catalogue officiel, comme c’est le cas de nombreuses variétés anciennes. Impossible donc, pour un agriculteur, de vendre des semences sélectionnées par lui, parfois pendant plusieurs décennies. La loi biodiversité d' août 2016 permet juste aux paysans de s'échanger des semences non inscrites au catalogue officiel des semences, et autorise les "échanges et cessions gratuites aux jardiniers amateurs".




Une situation qui nuit à la biodiversité et génère plusieurs problèmes : “l’un d’entre eux est sanitaire, puisque les semences industrielles que les agriculteurs sont ‘forcés’ d’utiliser visent la rentabilité et sont beaucoup moins nutritives que les variétés paysannes”, dénonce la fondatrice du Seed Tour. Mais aussi écologique -“les variétés industrielles requièrent un certain nombre d’intrants chimiques”- et économique.  De nombreuses semences industrielles (de type “F1”) doivent en effet être rachetées chaque année par les agriculteurs aux semenciers, comme elles poussent beaucoup moins bien en étant resemées. 


Image : variété de tomate paysanne - Auriane Bertrand

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