A compléter

Et si les solutions étaient déjà dans la nature ?

Maxime de Rostolan est cofondateur du Comité français de Biomimicry Europa (CFBE). Ingénieur en environnement, expert en développement durable, il dirige les éditions Deyrolle pour l'Avenir, et a créé la plateforme de prêt citoyen Blue Bees. Il monte un projet pilote de microferme en permaculture (fermes d'avenir).

Avez-vous déjà arraché des moules de leur rocher ? Il faut forcer n’est-ce pas ? Même la super glue a du mal à rivaliser… et pourtant, ce qui retient les mollusques à leur pierre, contre vents, vagues et marées, est entièrement naturel : on appelle cela le byssus. Complètement biodégradable, ce polymère naturel est bien moins toxique que le cyanoacrylate de notre glue industrielle…

Cette observation est la première étape d’une réflexion « biomimétique » : identifier une propriété remarquable de la nature, avant de chercher à l’adapter à l’un ou l’autre des besoins de notre société (parfois, c’est le processus inverse qui s’opère : face à un challenge technologique, on cherche un modèle biologique qui aurait une réponse à nous proposer…). Les moules ont ainsi une solution d’avenir à proposer à notre besoin d’adhérence, il ne nous reste qu’à l’imiter (1).

Bienvenue dans le monde du biomimétisme, royaume de l’inspiration naturelle, laboratoire du vivant, source de solutions ! Une chose est certaine : le plus efficace laboratoire de R&D (recherche et développement) au monde, c’est le vivant. Il a 3,8 milliards d’années d’expérience, et toutes les « technologies » qu’il a retenues sont résilientes, durables.

 

L’homme déconnecté de son environnement

Janine Benyus, une scientifique américaine, a fondé en 1998 la Guilde du biomimétisme, qui apprend de la nature pour « aider les innovateurs à concevoir des produits et des processus durables qui créent des conditions propices à toutes les formes de vie ». En effet, les biologistes ont compris que les êtres vivants qui ont résisté aux assauts du temps et des perturbations géologiques et climatiques avaient au moins un point commun : quelle que soit l’échelle considérée, cellule, organe, organisme, espèce ou écosystème, la vie crée des conditions propices à la vie.

Le cerveau de l’homme, lui, s’est branché sur un autre logiciel, déconnecté de cette réalité systémique : il pense pouvoir évoluer dans un environnement qu’il contrôlerait à l’envi, substituant des opérateurs essentiels à certaines fonctionnalités par des inventions qu’il veut pouvoir paramétrer. Ainsi en est-il de l’introduction des engrais dans notre modèle agricole, qui font fi des apports microbiologiques des sols ou des associations de cultures ; de l’isolation des bâtiments, qui a longtemps oublié les vertus que l’aération différenciée, pratiquée par exemple par les termites, pouvait induire comme économies d’énergie ; plus généralement, c’est le cas de nos systèmes de production et de consommation linéaires qui pensent être plus performants que les systèmes en boucles fermées et cycliques du vivant.

Le tout-pétrole en question

L’énergie est un des secteurs dans lequel le biomimétisme pourrait être un levier considérable. Depuis la découverte du feu, et de la combustion, l’homme a toujours filé dans cette direction, sans remettre en question le bien-fondé de ce principe. Après le bois, le charbon, et le gaz, le pétrole est apparu comme LA solution. Tant et si bien que tous les pans de notre société (santé, transports, alimentation, logement…) reposent sur cette ressource. Pour autant, nous savons qu’elle ne sera pas disponible indéfiniment...

Les trois graphiques ci-dessus montrent qu’en changeant notre regard, le problème saute aux yeux. Ceux qui raisonnent à l’échelle d’une vie (graph. a) se disputent pour savoir si oui ou non nous avons passé le peak-oil (le moment où la production de pétrole aura atteint son maximum, avant de décliner inévitablement). Deux choses sont sûres pour cette question : (1) la production de pétrole aura duré de la fin du XIX° siècle à quelque part au XXII° siècle et (2) l’âge de pierre ne s’est pas arrêté par manque de pierres… Si l’on s’éloigne un peu (graph. b), et qu’on s’intéresse à l’humanité, on voit que la production de pétrole ne représente plus que l’un des attributs de notre civilisation, et l’on (re)découvre qu’il a été possible de se développer sans cette ressource. Enfin, si nous mettons des lunettes à vision géologique (graph. c)… on découvre que cette fameuse production de pétrole ne représente qu’un accident dans l’histoire de la vie. Nous nous rendons monodépendants d’un produit dont nous savons qu’il est voué à disparaître très vite, et ne se renouvellera pas. Nous adoptons donc un comportement exactement contraire à la seule règle connue pour la survie : créer des conditions favorables à sa survie.

Il est urgent de réaliser cela, et surtout de s’intéresser aux innombrables solutions présentes dans la nature : et si, en guise d’énergie, nous visions le Graal, la perfection, qui permet aux rayons du soleil d’être convertis en une énergie chimique, propre, infinie, et source de vie : la photosynthèse !


Retrouvez cette tribune dans le numéro 1 de Socialter. 



[1] L’entreprise Columbia Forest Products a développé une colle sur ce principe : Pure Bond®, voir sur le site asknature.org.

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