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Faire-play 2/4 : Le fab lab ou la fabrique des possibles

Qu'ils soient bricoleurs, codeurs, hackers ou simplement curieux, de plus en plus d'individus s'engagent dans les fablabs. Ces ateliers ouverts, à la consonance énigmatique se développent pourtant très activement aux quatre coins du globe depuis maintenant plus de 15 ans... Plongée au coeur d'un phénomène de l'innovation du XXIème siècle.

Fablab, en clair, c’est…?

L’abréviation de Laboratoire de fabrication. Un lieu de bidouille et d’expérimentation où chacun peut venir donner vie à ses idées les plus variées, les plus folles voire les plus entreprenantes. Comment? Grâce à des machines de FAO (Fabrication Assistée par Ordinateur) allant des découpeuses vinyle et laser aux imprimantes 3D, en passant par les fraiseuses ou autres brodeuses numériques. Il serait pourtant bien réducteur de limiter un fablab à son parc d’outils à commande numérique. C’est, avant tout, un tiers-lieu ouvert à tous, sans limite d’âges ou de compétence, qui pourrait bien contribuer à changer notre vision du monde.

Certes, le principe de fabrication est au coeur des préoccupations d’un fablab, mais seule sa volonté d’ouverture prédomine dans sa philosophie. Ouverture vis-à-vis des membres et de leurs compétences, ouverture du savoir (open source) mais aussi ouverture d’esprit. Ces ateliers sont de véritables « espaces de reconfiguration démocratique »(1) où la plupart des codes de vie et de travail sont remis en cause. Accueil, communication, hiérarchie… tout est repensé pour tendre vers l’égalité et l’horizontalité des relations, même si cela doit en dérouter quelques uns.

L’origine des fablab

Tout commence à la fin des années 90. Neil Gershenfeld, alors professeur au MIT, a pleinement conscience des mutations que le numérique est en train d’opérer et cherche le moyen de rendre les innombrables habitants de cette planète non plus spectateurs, mais acteurs et créateurs des nouvelles technologies. Il met donc en place, en 1998, un cours spécifique pour ses étudiants, intitulé «How to make almost anything» (comment fabriquer à peu près n’importe quoi). Il rend accessible à une petite dizaine de personnes l’équipement et les connaissances nécessaires pour réaliser leurs projets personnels.



Encouragé par les réalisations ingénieuses et inattendues de ses étudiants ainsi que par les demandes d’accès de plus en plus nombreuses, N. Gershenfeld crée le premier Fab Lab du MIT en 2002, après avoir accompagné des initiatives similaires, notamment en Inde, dans les années 2000. Suite à ces premiers succès, il collabore avec les leaders communautaires du monde entier, qui sont déjà fortement impliqués dans un changement et dans une démarche d’innovation mais auxquels manquent des solutions d’analyse, de mesure. Ensemble, ils mettent au point l’accès à des outils numériques et scientifiques en vue de répondre à des problématiques locales, qui jusqu’alors, ne pouvaient trouver de solutions efficientes.

Réinventer notre société

Depuis 2002, le concept essaime sur toute la planète (presque 700 laboratoires aujourd’hui dont  85  en France), aux côtés d’initiatives similaires (comme Techshop, Fabmake, la nouvelle fabrique). Des adhérents de plus en plus nombreux, un parc de machine qui ne cesse de s’améliorer… Bien que la majorité d’entre eux restent peu médiatisés, les fablabs ont désormais le vent en poupe. Opportunité est donnée à tous d’inventer, de réparer et donc de gagner en autonomie. Un véritable empowerment citoyen est en marche : chacun retrouve les moyens et le pouvoir d’agir, de palier à l’impasse économique et sociale dans laquelle nous nous trouvons.



Tout cela peut paraître bien idéaliste… Et pourtant : certains fab labs ont déjà commencé à changer nos vies. En s’associant avec d’autres structures (écoles, universités, associations, musées, grandes enseignes, entreprises), ils dépassent le simple atelier de fabrication et deviennent alors terrains de médiation scolaire, de (ré)insertion ou de recherche. Tout à coup, il ne s’agit plus uniquement de créer la technologie, mais de repenser notre société.

L’excitation est à son comble : la diffusion de l’innovation est rapide, elle stimule le partage des connaissances, entraînant de nouvelles innovations et ainsi de suite… mais il serait bien facile de se perdre en chemin. Si le potentiel fablab est de taille, il ne prospérera qu’à une condition : documenter. Capitaliser et partager l’information, créer la valeur ajoutée en confrontant les savoirs. Car on ne pourrait créer une société nouvelle en cultivant l’égoïsme de notre passé.

(1) FabLabs, etc., Eyrolles, 2014

Pour lire les autres épisodes de Faire-play : 
Épisode 1
Épisode 3
Épisode 4 


 Thibaut Métivier est un jeune designer nantais à l'origine de Lift, un écosystème qui réinvente l'expérience documentaire dans les lieux d'innovations. Après avoir étudié le design d'espace et les services numériques, il se tourne désormais vers une conception plus sociale du design : développer les outils adaptés à l'évolution d'une société plus humaine. Cette série d’articles est inspirée par son travail pour son mémoire de fin d’études.

 

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