Décembre 2015. En Nord-Pas-de-Calais-Picardie, la présidente du Front national obtient 40% des voix au premier tour des élections régionales. Traditionnellement ancrée à gauche, la région tourne une page de son histoire : les socialistes se retirent et le conseil régional est exclusivement partagé entre LR et FN.
Face à l’élimination cuisante de la gauche, une “impression de vide et d’incomplétude démocratique” en incite quelques-uns à se mobiliser. Ils sont sept ou huit, ont déjà l’habitude de partager des repas et quelques verres de vin, et se rejoignent sur un constat : “Il y a un véritable problème de vitalité démocratique dans notre pays. La manière de s’en sortir, c’est la pédagogie citoyenne et le travail collectif.”
Pierre Mathiot fait partie de ces fondateurs du collectif ReGénération qui a officiellement vu le jour à Lille le 4 février dernier. L’ancien directeur de Sciences Po Lille résume ainsi l’ambition du mouvement : “Mettre autour de la table des gens qui ne pensent pas pareil. Il est important de sortir de sa zone de confort, de se nourrir d’idées et de visions différentes, qui permettent de complexifier sa propre analyse du monde.”
Ne pas jeter la démocratie représentative avec l’eau du bain
Pas d'ambiguïté donc : ReGénération refuse toute étiquette partisane. Il s’agit d’une association de citoyens divers, universitaires, entrepreneurs, restaurateurs, fonctionnaires, associatifs, médecins… Ils sont aujourd’hui une trentaine, de diverses sensibilités politiques, à se réunir régulièrement en tables rondes pour repenser la politique. Depuis deux mois, plus de 200 contributions citoyennes ont été reçues sur ConsultVox.
“Il y a des mutations énormes sur tous les plans, économique, environnemental, etc. ; pourquoi la politique devrait-elle être immuable ?”, lance Christophe Itier, Directeur général de l’entreprise sociale La Sauvegarde du Nord et membre fondateur de ReGénération. Il est convaincu que c’est “l’action micro, plutôt que macro, qui va créer une dynamique de changement”.
Alors le collectif se lance sur un grand chantier de “rénovation des pratiques politiques”. Dépités par un système verrouillé et un langage politique devenu inaudible, les Nordistes s’attaquent aussi bien à l’épineuse question du cumul des mandats et des conflits d’intérêt, qu’à celle de la rémunération des élus.
À l’heure où la rhétorique révolutionnaire est de mode, leur discours surprend. Il n’est aucunement question de renverser le système. “Les partis doivent participer du fonctionnement de la démocratie”, affirme Pierre Mathiot. “Le problème n’est pas leur existence, c’est la manière dont ils ont évolué. Mais il ne s’agit pas de jeter la démocratie représentative avec l’eau du bain.”
Deux mandats, pas plus
Parmi les idées phares défendues par ReGénération : restreindre l’activité des hommes politiques à deux mandats successifs, soit pas plus d’une douzaine d’années. “La politique n’est pas un métier, elle ne devrait pas faire l’objet d’une carrière individuelle”, défend Christophe Itier.“Il faut donc l’intégrer comme un passage dans la vie, avant de se réinsérer dans le monde professionnel.” Cette limite des mandats dans le temps permettrait une meilleure rémunération des élus, parfois “pas payés à leur juste valeur lorsqu’il s’agit de maires de petites communes par exemple”.
L’association présentera publiquement ses propositions ce soir à 18h30 à Sciences Po Lille, en présence d’autres mouvements citoyens, dont La Transition, La Primaire.org, Voxe.org ou encore le think tank lillois Axe Culture. S’en suivront une pétition, ainsi qu’une lettre ouverte aux élus pour les interpeller.
“Jusqu’à quel point les professionnels de la politique ont-il besoin que la France tombe pour se rendre compte qu’il faut véritablement transformer les choses ?”, interroge Pierre Mathiot. Et, en bon professeur de science politique, de conclure sur une citation de Gramsci : “Il faut allier au pessimisme de l’intelligence, l'optimisme de la volonté.”
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