Jet-set climatique et capitalisme vert

À se focaliser sur l’opulence des ultra-riches, leurs jets privés, leurs superyachts, leurs virées dans l’espace et leurs villas de luxe, ne passerions-nous pas à côté de l’essentiel ? Le train de vie des grands fortunés est certes grotesque dans son ostentation, insupportable dans sa démesure, il campe néanmoins l’image biaisée d’une classe oisive, insouciante, déconnectée du réel – à deux doigts d’être inoffensive. « Les riches ne sont pas hors-sol. Et c’est justement ça le problème », prévient pourtant Édouard Morena dans cet essai incisif. Ce maître de conférences en science politique décrit la formation d’une véritable « conscience de classe climatique » chez les élites économiques, bien informées des enjeux et plus que jamais impliquées dans l’agenda écologique.

Attirées par les promesses de profits qu’offrent les crédits carbone, elles érigent de nouvelles enclosures en privatisant des forêts tropicales, quand elles ne se mettent pas en scène lors des grandes conférences climatiques. Les ultra-riches parviennent ainsi, par le truchement de leurs fondations philanthropiques, de think tanks ou de cabinets de conseil, à orienter les débats pour promouvoir une vision techniciste et dépolitisée du changement climatique : un futur « bas carbone » qui conforte leur position, sécurise leurs intérêts et garantit leurs profits. Comme jadis la bourgeoisie décrite par Marx et Engels, cette jet-set « se façonne un monde à son image » ; dans ce monde, elle continue d’avoir les coudées franches pour détruire la planète et exploiter l’humanité, puisque désormais, le capitalisme y est ripoliné en vert.

Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique, Édouard Morena, La Découverte, février 2023, 280 pages, 21 €.

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À propos de l'auteur

Clément Quintard
Journaliste