Sur la lagune de sable noir jonchée de bois flotté, une colonie de phoques profite des rayons du soleil. Derrière eux, l’océan Pacifique rudoie la côte où débouche, paisible, le fleuve Klamath. Une poignée d’hommes s’agite, les pieds dans l’écume. Vêtus de salopettes étanches, les pêcheurs yuroks frappent les vagues de leurs bâtons surmontés de crochets. Comme le veut la tradition de cette tribu du nord de la Californie, c’est le croassement des grenouilles qui a signalé le début de la migration des lamproies et l’ouverture de la pêche au crochet. À la fin de l’hiver, ces poissons parasites munis d’une bouche en forme de disque hérissé de dents lâchent leurs hôtes des océans pour se reproduire dans les eaux douces du fleuve Klamath.
Reportage issu de notre numéro 57 « Manger les riches ? », disponible en kiosque et sur notre boutique.
Malgré leur face tout droit sortie d’un film d’horreur, les lamproies constituent un mets de choix dans la culture ancestrale yurok. Les phoques ne rechignent pas non plus. Pour eux comme pour les hommes, l’embouchure du fleuve est un lieu stratégique. Tous les poissons migrateurs s’engouffrent dans cet étroit passage avant de remonter le courant jusqu’à leur lieu de ponte, parfois situé plusieurs centaines de kilomètres en amont. Au début de l’hiver, les saumons coho commencent leur montaison, suivis de près par les truites arc-en-ciel, puis les lamproies.
Avec le retour du...