La pluie crépite sur les pierres et une brume épaisse masque la Lune. On ne voit du paysage que les clignotants rouges d’une rangée d’éoliennes qui, de jour, décorent le sommet des montagnes. À l’intérieur, la pièce est elle aussi voilée par la fumée des cigarettes qui débordent du cendrier. Les bouteilles en plastique de tsípouro, l’alcool local distillé à partir de raisin, sont vides maintenant, alors Yannis se lève, saisit sa clarinette, nous cale d’autorité une guitare entre les mains et commence à jouer une complainte. Bientôt, tout le monde entonne en chœur un chant traditionnel grec, et Nikos se lève pour danser avec allégresse – dans quelques heures, le tsípouro aidant, il plantera sa voiture contre un poteau et repartira dans la nuit après avoir remis son pare-chocs en place à coups de pied.
Reportage à retrouver dans notre numéro 56 « Géo-ingénierie, c'est parti ? », en kiosque et sur notre boutique.
Mais ni l’alcool ni la musique ne parvient à écarter le sujet qui fâche, et qui réunit ce soir-là les amis dans la maison de Yannis, un Rom grec qui vit depuis une quarantaine d’années dans cette vallée : pour se tirer de ses crises économiques, énergétiques et politiques, la Grèce veut se lancer dans le forage de pétrole et de gaz naturel. Et cela pourrait bien bouleverser la vie des habitants de l’Épire du Nord, cette région frontalière avec l’Albanie. « Il faut encore une fois défendre notre...