« Ce n'est pas des enfants de choeur, c'est HBO »
Derrière la chaîne américaine HBO aux productions mythiques se cache une entreprise dont les dernières décisions commerciales posent question.
Derrière la chaîne américaine HBO aux productions mythiques se cache une entreprise dont les dernières décisions commerciales posent question.
L’écran s’allume, trois lettres émergent de la « neige » à l’écran. L’apparition est accompagnée d’un son, comme un chœur religieux descendant sur le spectateur. Il est d’ailleurs surnommé « L’Ange Statique », annonciateur d’une série supposée transcender les limites du petit écran. « It’s not TV, it’s HBO » : « Ce n’est pas de la télé, c’est HBO », selon le fameux slogan. Créée en 1972, la chaîne du câble américain s’est imposée depuis la fin des années 1990 comme la pourvoyeuse de programmes haut de gamme qui ont participé à la légitimation critique des séries télé. Rares sont les tops 10 du genre à ne pas inclure Les Soprano, Sur écoute (The Wire) ou The Leftovers.
En mai 2020, un événement témoigne de l’aura acquise par HBO : WarnerMedia, propriétaire de la chaîne, décide de lancer son service de streaming en le baptisant HBO Max plutôt que d’utiliser le nom du vénérable studio de cinéma ayant produit Casablanca, BarryLyndon ou Matrix. Ce choix fait froncer quelques sourcils. Il va bientôt faire lever les yeux au ciel. En pleine pandémie, décision est prise de diffuser sur HBO Max tous les films Warner de 2021 le jour de leur sortie en salles. Ce « Project Popcorn » est mené sans en aviser les principaux intéressés, au grand dam de Christopher Nolan. « Les cinéastes pensaient travailler pour le plus grand studio de cinéma et ils se sont réveillés en découvrant bosser pour le pire service de streaming », tonne le réalisateur de Tenet.
Les réjouissances ne sont pas terminées. En 2022, le géant des télécommunications AT&T se sépare de WarnerMedia et Discovery récupère le bébé. Son PDG, David Zaslav, a pour priorité de trouver des « synergies » entre les deux entités et d’alléger la dette du groupe de plusieurs milliards de dollars. Batgirl, censée atterrir sur HBO Max, en fait les frais. Plutôt que de terminer la postproduction d’un film qui a déjà coûté 90 millions de dollars, Warner Bros-Discovery préfère profiter de déductions fiscales octroyées à condition d’enterrer la super-héroïne dans sa batcave. L’humoriste John Oliver, dans son émission Last Week Tonight, elle-même diffusée sur HBO, propose alors de mettre à jour la fameuse devise : « HBO Max. Ce n’est pas de la télé, c’est une série de déductions fiscales pour calmer Wall Street. »
Mais Batgirl n’est qu’un signal parmi d’autres de la vaste purge entreprise par la chaîne. En l’espace de quelques mois, des séries et des films insuffisamment regardés au goût de la direction sont chassés de la plateforme par dizaines. Ils sont revendus à d’autres services, comme Westworld, l’une des séries phares de HBO. Quant aux séries ne bénéficiant pas de la protection qu’octroie un minimum de notoriété, elles disparaissent carrément des radars. Un moyen radical pour HBO Max – et ses concurrents – d’économiser quelques dizaines de millions de dollars supplémentaires en arrêtant de payer les residuals, ces sommes que les plateformes doivent verser chaque année aux auteurs de films et séries.
Bien conscient d’avoir amoché le plus brillant des bijoux de famille, Warner Bros-Discovery s’est amendé et a tenté de prendre un nouveau départ en ce mois de mai aux États-Unis. Une thérapie de choc : HBO Max a été coulé par le fonds pour être remplacé par un service tout simplement baptisé... Max. En France, il ferraillera à partir de l’année prochaine avec Netflix, Disney, Amazon et les autres.
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