Elle détonne cette très vieille grange, avec ses murs en terre de 60 centimètres d’épaisseur, dans cette petite ville devenue banlieue-dortoir, annexée par l’agglomération rennaise. « La France moche », tranche Héloïse Valet. La tisserande a grandi ici, à Thorigné-Fouillard, dans les années 1980. Après quelques échappées au sein des écoles d’art et de design de Limoges-Aubusson, de Burg Giebichenstein, en Allemagne, et pour finir une formation à l’école Boulle, à Paris, elle a regagné ses pénates bretons. Et dans cette grange anachronique plantée sur le terrain familial, rescapée d’un passé agricole, elle a trouvé un repaire pour ses rêves textiles. Le seuil franchi, la périphérie urbaine s’éloigne aussitôt. Les parois blanchies à la chaux, recouvertes de bâches par endroit, semblent abriter un ailleurs plus réjouissant. Entourés de bobines, navettes, aiguilles, rouets, fuseaux et tissus, deux imposants métiers à tisser en bois trônent sur le sol en ciment. Avec leurs pédales, leurs systèmes de cordage et de poulies, ils font penser à un piano à queue, ou plutôt à des voiliers. « De vieux gréements », sourit Héloïse Valet, quand des grincements se font entendre alors qu’elle procède à quelques réglages. Le « tissage à bras » porte mal son nom. Car c’est tout le corps de l’artisan qui est mobilisé pour actionner la machine.
C’est en tissant qu’on devient tisserande
D’un bond...