Il parcourt le monde pour enquêter sur la nature humaine
Rencontre avec un globe-trotteur parti interroger des centaines d'inconnus pour permettre au monde de mieux communiquer.
Rencontre avec un globe-trotteur parti interroger des centaines d'inconnus pour permettre au monde de mieux communiquer.
Attablé en terrasse devant une citronnade, le teint hâlé, Cyril Bruyelle semble ne pas avoir encore tout à fait atterri. Aux Etats-Unis il y a quelques semaines, en Russie à la fin du mois, il est toujours entre deux fuseaux horaires. Depuis janvier, le jeune homme de 29 ans parcourt le monde pour poser les vingt mêmes questions à des inconnus. Pour les rencontrer, il fait appel à des réseaux sociaux tels que Facebook, et même Tinder. Cette utilisation détournée de la célèbre application de rencontres lui permet de mieux diversifier le panel des personnes interrogées.
Derrière des questions telles que “De quoi avez-vous peur?”; “Que feriez vous si je vous donnais un million de dollar là tout de suite?”; “Que représente Dieu pour vous?”, se cache un projet concret: faire en sorte que le monde se comprenne mieux et se parle un peu plus. Pour cela, il est important d’avoir accès aux opinions des autres, explique Cyril.
Quels sont les sujets qui rapprochent les individus au-delà de leur nationalité et de leur catégorie sociale ? Quels sont ceux qui les opposent? En posant les mêmes questions à des avocats écossais, des paysans colombiens, des entrepreneurs argentins, ou encore des retraités français, Cyril Bruyelle obtient des réponses singulières. Il veut valoriser nos différences et nos ressemblances. Les réponses recueillies sont ainsi mises en ligne sous la forme de vidéos thématiques, par exemple sur le bonheur ou l'éducation, afin de confronter les discours les uns aux autres.
Humans of the world
Pas facile de trouver son chemin lorsqu’on est un grand rêveur en quête de sens qui n'a pas envie de perdre sa vie à la gagner. Avant de se lancer, Cyril a d’abord travaillé pour un cabinet de conseil puis dans l’industrie musicale. Deux milieux qui l’ont enrichi mais ne répondaient pas à son envie d'aider les autres. De l’Argentine à l’Iran, en passant par l’Afrique, il aura visité plus de treize pays en janvier prochain. “Je veux bien qu’on me colle toutes les étiquettes, sauf celle de celui qui fait le tour du monde” affirme-t-il pourtant, avant de préciser que ses voyages ne sont que des outils dans sa quête de compréhension du monde.
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Cette démarche humaniste a également été encouragée par un questionnement philosophique: l’envie et le besoin de comprendre comment le monde en est arrivé là. Par “là”, Cyril fait référence aux problèmes sociétaux, aux inégalités et aux conflits qui gangrènent la planète.
Brexit, élection de Donald Trump, Syrie: l’actualité est en effet chargée d'événements qui nous donnent parfois le sentiment d’être déconnectés de ce que ressent une partie de la société. Et il semble avoir trouvé un début de réponse: “99% des gens sont bons mais les 1% restants ont une forte incidence sur la visibilité du malheur. Ce sont aussi les effets de masse qui créent les distorsions. D’ailleurs, plusieurs personnes que j’ai interrogées disent avoir peur du groupe, parce que le groupe fait disparaître la responsabilité personnelle”.
Les sources d’inspiration de Cyril Bruyelle reflètent bien la philosophie de 20 Questions to the World. Il évoque Claude Lévy-Strauss, qu’il qualifie “d’aventurier intellectuel” parti à la rencontre de nombreuses civilisations et membre de l’Académie française. L’artiste engagé JR pose également des questions de société fondamentales, par exemple en affichant face à face des portraits d'Israéliens et de Palestiniens. Là encore, célébrer les différences et les ressemblances des peuples semble être le coeur d’une démarche à mi-chemin entre l’art et l’anthropologie.
Dans un futur proche, le jeune homme envisage d'installer des cabines dans les gares, un peu comme des photomatons. On pourra cliquer sur une nationalité pour visionner une vidéo, et répondre à notre tour à une question. De quoi rendre l'attente plus agréable entre deux correspondances.
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