Il est pénible de devoir argumenter en faveur d’une position qui devrait tomber sous le sens, vous ne trouvez pas ? Concernant l’extrême richesse, la charge de la preuve, si l’on peut dire, devrait incomber à qui la défend, non à qui la condamne. L’argument éthique devrait suffire à régler la question. Il pourrait s’énoncer ainsi : dans une société décente, il est indéfendable, par principe, que des individus ou des groupes restreints accaparent une part démesurée de la « richesse » ou des « ressources » collectives, et ce, même lorsqu’une supériorité quelconque leur est reconnue. Autrement dit : rien, pas même une aptitude ou une capacité socialement validée (don, talent, mérite, etc.), ne justifie que l’on possède immensément plus que ses semblables. Cette possession excessive n’est en effet pas un simple surplus ; inscrite dans des rapports sociaux, elle revient à déposséder autrui.
Article à retrouver dans notre numéro 57 « Manger les riches ? », en kiosque et sur notre boutique.
Par définition, une telle position de principe est affaire de valeurs. Les valeurs étant en incessant conflit, elle ne peut pas être prouvée ou démontrée à proprement parler. On peut cependant considérer, voire postuler qu’elle constitue une norme raisonnable d’organisation de la vie commune. Une norme que l’ampleur colossale (vertigineuse ? démente ?) des inégalités bafoue gravement. Le bénéfice de...