Une vidéo sur YouTube, quelques mails, le tout sur un smartphone relié au réseau des réseaux. Des capteurs, ou autres puces électroniques, qui se comptent déjà par milliards... Ils viendront tisser la toile de l’immense Internet des objets qui relie déjà les Hommes aux choses. On commence à le comprendre: Internet, et plus largement les infrastructures numériques, sont des gouffres énergétiques. Pour autant, leur développement annonce également un contrôle minutieux des modes de consommation, et on en vient à se demander si la modernité alimente ou vient freiner la folie consumériste. Cette épineuse question sera posée le 13 novembre prochain à La Recyclerie (Paris 18e) autour du thème: internet, quel coût écologique? Undébat organisé par le Mouton Numérique où échangeront la journaliste Coline Tison et l’ingénieur Philippe Bihouix.
Interroger la société qui innove
L’associationLe Mouton Numérique interroge l’innovation technologique à mesure qu’elle vient modifier le paysage sociétal par l’organisation de débats ouverts et accessibles à tous. Le point de départ est le suivant: le numérique, que l’on pourrait définir comme une mise en données du monde, correspond très exactement au concept sociologique de Marcel Mauss de “fait social total”. C’est-à-dire qu’il s’agit d’une chose de nature à mettre en branle la totalité de la société et de ses institutions.
Le versant écologique d’Internet témoigne de l’un de ces bouleversements: la toile représente déjà 7% de la consommation électrique mondiale avec une croissance de 12% par an. C’est là le grand paradoxe de cette période de communication exponentielle, elle accompagne la conscience collective autant qu’elle consume l’environnement.
Ce qui coûte à la nature coûte aussi aux Hommes
Si l’on s’arrêtait à la France, on constaterait que l’infrastructure numérique demande neuf réacteurs nucléaires tournant à plein régime (13% de l’électricité nationale). Mais comment s’arrêter à ce petit pays? S’il devient urgent d’interroger le coût écologique d’Internet, c’est parce qu’on limite trop souvent Internet à un pur fantasme émancipateur flottant librement dans un “nuage” tissé dans l’étoffe des publicités Apple.
Rien de plus faux. Comme l’a montré la journaliste Coline Tison dans son documentaire Internet, la pollution cachée, Internet est d’abord une industrie brick and mortar: des câbles, data centers, appareils en tous genre au service de nos usages. Ajoutons-y ces smartphones échoués dans nos poches et qui,comme chez Foxconn, s’appuient sur une division du travail dont le lobbying des industriels peine à camoufler la dureté sociale. Sans parler du “recyclage”, nouvelle spécialité au Niger ou encore au Ghana. En vérité, nos produits ne sont pas conçus pour être recyclés, plutôt pour être remplacés.
Le low-tech et ses limites
Doit-on céder au fatalisme? Certains, comme Philippe Bihouix, ingénieur et auteur de L’âge des low tech, vers une civilisation techniquement soutenable (Le Seuil, 2014), préconisent un changement d’ordre culturel avec les “low tech” ou “basses technologies”. Des techniques plus “rudes et basiques, peut-être un peu moins performantes, mais nettement plus économes en ressources et maîtrisables localement”. Le mot d’ordre: primum non nocere. D’abord, ne pas nuire - à la nature et donc à soi-même en tant qu’espèce.
Cette voie est réaliste pour les uns, un coup de frein à l’innovation pour les autres. Les rêves de grandeur, la vitesse et la puissance sont aussi le terreau des grandes inventions qui viennent changer la donne technologique. Faudrait-il abandonner au ralentissement des low tech le début de l’infinie créativité humaine et de toute croissance économique? Ce qui revient peu ou prou à se poser la question du sens même de l’existence de l’Homme sur terre…
Internet, quel coût écologique? Un débat organisé par l’association Le Mouton Numérique, le 13 novembre 2017 à la Recyclerie (Paris 18e) avec Coline Tison, journaliste, réalisatrice du documentaire Internet, la pollution cachée et Philippe Bihouix, ingénieur et auteur de L’âge des low tech, vers une civilisation techniquement soutenable. Socialter est partenaire de l’événement. Retrouvez nos articles sur le sujet dans le dossier du numéro 24, “Internet va-t-il détruire la planète”, consacré à ce sujet.
Le Mouton Numérique est une jeune association qui se donne pour objectif d’interroger notre rapport aux nouvelles technologies et au numérique par l’organisation de rencontres accessibles et ouvertes à tous afin de porter dans le débat public un certain recul critique sur ces questions de société.
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