J’ai réussi ma vie. Prière de ne pas voir dans cette déclaration le lexique-catastrophe du monde qui ne jure que par le capital. Nous vivons, non, nous survivons dans une société qui écorche l’esprit du verbe pour mieux nous vendre le superficiel, un monde start-up qui nous vole le sens des mots. Il faut à tout prix lui reprendre le pouvoir du langage. En tout cas, ce monde, moi, je le détruirai dans son propre langage, s’il le faut. Je dis que j’ai réussi ma vie.
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Comment ? Il me faut remonter le fil de mon enfance, déblayer les lieux brisés d’où je viens. Il me faut parler de ma mère, l’éternel arbre dans le jardin secret où mon cœur s’en va toujours cueillir des fruits… Il me faut parler des quartiers fracturés qui m’ont vu grandir, qui m’ont obligé à grandir. Il me faut arpenter à nouveau les blessures sociales qu’a subies ce corps que j’habite, retrouver les traces de cette force par laquelle il a tenu debout, jusqu’à pouvoir venir vous parler aujourd’hui, jusqu’à avoir le droit de vous parler aujourd’hui.
Une révélation décoloniale
Laissez-moi vous parler de ma mère. Oui, je pense forcément à ma mère, l’étoile viscérale de mon ciel : Jeannette éternelle. Je ne parlerai pas de mon père ici, c’est ma façon de le punir. Ma mère est un miroir politique. Aujourd’hui, quand je me...