Dans la nuit du 1er janvier 1994, l’étonnante insurrection des rebelles mayas zapatistes a occupé sept villes du Chiapas, bouleversant l’histoire du Mexique et secouant les consciences à travers le monde. Ils ont ruiné la fête des gouvernants qui, ce jour-là, entendaient célébrer l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord, apothéose des politiques néolibérales. Leur cri de « Ya basta ! » (« Ça suffit ! »), prélude au mouvement altermondialiste, est venu briser l’arrogante proclamation de la fin de l’Histoire qui faisait alors recette. Il a apporté un cinglant démenti au fameux « There is no alternative » de Margaret Thatcher, en montrant qu’il était possible de rompre la chape de plomb du fatalisme et de la résignation. Depuis ce geste inaugural et au fil de péripéties complexes, les zapatistes sont parvenus à faire émerger dans les territoires rebelles du Chiapas une autre réalité en partie préservée des logiques marchandes capitalistes. Ils ont mis en place, en rupture avec le système constitutionnel mexicain, leurs propres instances d’autogouvernement populaire (avec pour principe : « Ici, le peuple dirige et le gouvernement obéit »), ainsi que leur propre manière d’organiser la justice, la santé et l’éducation. Par sa radicalité, sa longévité et son extension géographique (dans un territoire comparable à celui de la Bretagne), c’est l’une...