Lorsque Norman Wilkinson, peintre de son état et lieutenant réserviste de la Royal Navy invente le camouflage dazzle (qui signifie « embrouiller »), en pleine Première Guerre mondiale, il ne pouvait se douter que, près d’un siècle plus tard, sa découverte serait toujours d’actualité. À l’époque, la marine britannique essuie le feu nourri des U-Boot allemands et cherche un moyen d’échapper à l’œil de leurs périscopes. Sir Wilkinson a alors une idée : recouvrir les navires de motifs en lignes brisées, quasi cubistes, afin de perturber le système de visée des sous-marins. L’astuce fonctionne : recouverts de damiers, rectangles et lignes fuyantes, les croiseurs de la Navy trompent l’ennemi, incapable d’estimer leur taille, leur cap ou leur vitesse.
Le dazzling est de retour
Un siècle plus tard, en 2010, c’est le même principe qui, peu ou prou, nourrit le projet CV Dazzle – CV pour Computer Vision – de l’artiste américain Adam Harvey, préoccupé par l’essor des technologies de surveillance. En concevant des maquillages et coupes de cheveux aux allures cyberpunk, il entend ainsi rendre nos visages invisibles à l’œil des algorithmes de reconnaissance faciale. L’idée est relativement simple : si ces algorithmes analysent une série de points caractéristiques de nos visages pour les identifier (forme du nez, des sourcils, de la bouche, distance entre les pupilles…), il s’agirait donc de perturber cette prise de...