Régulièrement, une start-up annonce avoir mis au point une alternative alléchante aux emballages plastiques. Des initiatives toujours bienvenues quand on sait que 280 millions de tonnes de plastique ont été produites dans le monde en 2016. Parmi ces innovations comestibles : les capsules d’eau à base d’algues, les bouteilles « vegan » et le fast-food à consommer avec son contenant. L’idée est simple : au lieu de jeter ses emballages, quelle meilleure solution que de les avaler ?
C’est dans cette démarche éco-responsable que Thibaut Gilquin et Hélène Hoyois ont fondé Do Eat il y a quatre ans. Leurs verrines faites d’eau et de fécule de pomme de terre (au goût neutre) sont mangeables et compostables à la maison. Elles auraient permis, selon eux, d’épargner quelque 1680 kg de déchets plastiques. Après s’être limitée dans un premier temps aux traiteurs et aux apéros, la start-up belge vise dorénavant les événements à plus grande échelle (festivals) mais aussi le monde du surgelé et du fast-food.
Des perspectives prometteuses mais limitées : soumises aux normes alimentaires et hygiéniques, ces verrines nécessitent un emballage plastique supplémentaire pour le transport et l’étalage en rayon, et ne remplacent donc que le « packaging primaire » directement en contact avec la nourriture.
La capsule d'eau comestible Ohoo ! © Skipping Rocks Lab
« Emballage comestible » : un non-sens ?
Malgré leur concept séduisant, les emballages comestibles ne peuvent en tout état de cause remplacer entièrement le plastique. Pour Laura Chatel, membre de l’association Zero Waste qui milite pour la réduction et la gestion durable des déchets, « les emballages comestibles sont encore très expérimentaux : leurs résultats ne sont pas encore concluants, à part peut-être dans l’événementiel. »
Même réaction mitigée pour Fanny Vismara, coordinatrice de Plastic Attack France, qui organise des actions citoyennes depuis quelques mois, encourageant les consommateurs à se débarrasser des emballages plastiques dans les supermarchés pour sensibiliser à l’utilisation excessive de plastique. « Si on crée un emballage comestible, la loi vous impose de mettre un plastique autour », déplore-t-elle.
Le problème du suremballage paraît pourtant inévitable : « c’est un abus de langage de parler d’emballage comestible car il fait partie intégrante de l’aliment », souligne Stéphane Guilbert, professeur à Montpellier SupAgro et spécialiste des emballages biodégradables et comestibles. Évoquant les capsules d’eau à base d’algues mises au point par la start-up londonienne Ohoo !, le chercheur note qu’elles ne sont « en rien une barrière à tous les éléments extérieurs » et ne peuvent constituer un emballage à part entière.
Le bioplastique, alternative écolo ou greenwashing ?
Alternative non comestible aux emballages plastiques, le bioplastique pose lui aussi question. Issu de matières d’origine biologique (« biosourcé ») et non fossile (à base de pétrole), sa production peut être très gourmande en ressources. « Ces matériaux d’origine végétale posent la question de la concurrence des usages des terres agricoles : si on remplace tous nos emballages plastiques par des emballages biosourcés, comment allons-nous nourrir la planète ? », interroge Laura Chatel. Fanny Vismara cite l’exemple des bouteilles en algues mises au point par la start-up indonésienne Evoware : « il faut des champs entiers d’algues pour en fabriquer ! »
Les emballages comestibles d'Evoware © Evoware
D’autant que le plastique, comme le PET (utilisé entre autres pour les bouteilles d’eau et de soda), reste le même matériau peu importe son origine, fossile ou végétale, précise Stéphane Guilbert. Le seul avantage potentiel du biosourcé, souvent mis en avant, est que sa production émet moins de dioxyde de carbone que celle du plastique d’origine fossile, mais la différence n’est même pas significative selon lui. « Le biosourcé, c’est strictement du greenwashing et ça ne résout en rien la question du devenir des plastiques », conclut-il.
Autre inquiétude : la fin de vie de ces emballages biosourcés, qui ne sont pas forcément biodégradables. Et lorsqu’ils le sont, ajoute le chercheur, ces polymères d’origine naturelle (comme la cellophane, dérivée de la cellulose) sont presque toujours sensibles à l’humidité, ce qui limite leur domaine d’application, principalement à la vaisselle jetable. Encore faut-il voir dans quelles conditions les matériaux en question sont biodégradables: certains bioplastiques comme l’acide polylactique (PLA), notamment utilisés par Danone pour ses pots de yaourt, ne se dégradent qu’à haute température (en l’occurrence entre 65 à 70 degrés).
Après plusieurs années de recherches, la société israélienne TIPA est néanmoins parvenue à mettre au point des emballages intégralement compostables (ne se dégradant qu'en condition de compost). Souples et flexibles, ceux-ci présentent des propriétés similaires aux plastiques conventionnels, et ont notamment été utilisés par la marque de café hollandaise Peeze.
Les emballages compostables © TIPA
Revoir nos modes de consommation
Alors que faire pour lutter contre les 8,3 milliards de tonnes de plastique qui s’amassent sur notre planète depuis 1950 ? « Il faut changer nos habitudes ! », martèle Fanny Vismara : « boire l’eau du robinet au lieu d’acheter des bouteilles d’eau, acheter en vrac, boycotter les produits suremballés, comme les fruits et légumes emballés individuellement. » Même préconisation pour Laura Chatel, qui recommande d’ «allonger la durée de vie des matériaux » et de limiter le plus possible les usages uniques, même lorsqu’il s’agit de matériaux biosourcés. « L’étiquette biodégradable n’est pas une incitation à jeter ses déchets dans l’environnement! », insiste Stéphane Guilbert, selon qui « l’ensemble du système alimentaire représente environ 40% de la production de plastique à l’échelle mondiale… alors qu’une grande partie serait évitable. »
Une action citoyenne et politique semble nécessaire à la réduction de la production et de la consommation de plastique. Suite aux Plastic Attacks qui ont sévi ces derniers mois, Carrefour et McDonald’s France se sont ainsi engagés à cesser la vente de pailles en plastique. En attendant d’améliorer le recyclage du plastique (pour l’heure très limité) et de mettre au point des matériaux plus respectueux de l’environnement, Stéphane Guilbert suggère d’ « interdire ou de taxer le plastique vierge », afin de donner une chance aux matériaux alternatifs et aux plastiques recyclés, encore trop coûteux en comparaison du plastique vierge. Mais avant toute chose, il est crucial de sensibiliser et de responsabiliser le consommateur sur son utilisation du plastique. En attendant le jour où l’on pourra (vraiment) manger ou composter tous ses emballages.
Crédit photo : © Do Eat
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