Pour la Palestine comme pour la Terre. Les ravages de l’impérialisme fossile

Découvrez notre recension « Pour la Palestine comme pour la Terre. Les ravages de l’impérialisme fossile » de Andreas Malm, aux Éditions La Fabrique.
Découvrez notre recension « Pour la Palestine comme pour la Terre. Les ravages de l’impérialisme fossile » de Andreas Malm, aux Éditions La Fabrique.
On ne présente plus Andreas Malm, chercheur prolixe dont le travail allie marxisme et environnementalisme. Il est l’auteur d’ouvrages importants sur le régime énergétique du capitalisme, tel que L’Anthropocène contre l’histoire (La Fabrique, 2017). Son engagement dans les luttes écologiques contemporaines se manifeste par la proposition de s’attaquer frontalement aux industries toxiques, développée dans son ouvrage de référence : Comment saboter un pipeline (La Fabrique, 2020).
Dans Pour la Palestine comme pour la Terre, retranscription d’une conférence prononcée à Beyrouth en avril 2024, suivie de deux post-scriptum, Andreas Malm poursuit son travail sur l’histoire de l’extractivisme, cette fois avec une obsession nouvelle : démontrer que « l’essence du projet sioniste est la destruction de la Palestine » (page 22), qu’il lie, sans parvenir à convaincre, à la destruction du climat.
La guerre sanglante menée à Gaza par Israël depuis le 7 octobre 2023 n’occupe qu’une place mineure dans cet ouvrage, car c’est surtout la responsabilité historique des Britanniques et des États-uniens, mais aussi « des Juifs » d’Europe sionistes souhaitant s’établir en Palestine, que pointe Malm avec insistance, en raison de ce qu’il décrit comme un projet impérial et colonial commun, propulsé par l’énergie fossile depuis 1840. Pour étayer sa démonstration, Malm s’appuie essentiellement sur des articles de presse, des citations de témoignages de militaires ou de responsables britanniques, ainsi que sur des essais critiques comme celui d’Ilan Pappé, sans sources contradictoires, notamment pour établir l’existence d’un sionisme impérial britannique.
Son raisonnement historique demeure ainsi superficiel, lorsqu’il décrit la Palestine juive comme celle d’industriels (alors qu’elle fut installée en grande partie par des petites communautés d’agriculteurs). Selon lui, la destruction de la Palestine par les Juifs et leurs alliés ne commence donc ni en 1948, ni avec la colonisation des Territoires palestiniens. Les Anglais se seraient servis dès 1840 des Juifs envoyés en Palestine pour asseoir leur empire et empêcher le développement des populations arabes indigènes. L’actuelle guerre de Gaza, « leçon de froideur bourgeoise » incarne à ses yeux la poursuite de la dynamique écocide du capitalisme fossile.
« Malm, prétendument défenseur de l'écologie radicale, non seulement fait disparaître le vivant et l'humain, mais toute altérité. »
C’est dans l’avant-dernier chapitre que l’on perçoit le mieux le manichéisme de Malm. L’auteur semble à court d’arguments lorsqu’il tente de démontrer la dimension marxiste et révolutionnaire, et non pas islamiste et messianique, du bloc de résistance de Gaza constitué par le Hamas et d’autres groupes historiques marxistes minoritaires comme le FDLP et le FPLP. La machine léniniste tourne à plein régime pour présenter cette alliance comme porteuse d’une révolution sécularisée : « Si nous adoptons le point de vue marxiste sur la démocratie bourgeoise et que nous la chérissons pour l’espace qu’elle laisse à la gauche révolutionnaire pour agir librement, alors il nous faut conclure que Gaza sous l’autorité du Hamas est l’incarnation la plus complète qu’on puisse trouver entre Beyrouth et Tunis d’une telle démocratie », écrit-il page 125.
Enfin, Malm, qui insiste justement sur les souffrances endurées par les Palestiniens, ne semble faire aucun cas des meurtres de civils commis le 7 octobre qu’il considère comme « une dimension inévitable de la lutte » (page 120). Malm, prétendument défenseur de l'écologie radicale, non seulement fait disparaître le vivant et l'humain, mais toute altérité. S’il analyse les dégâts du capitalisme fossile, il nie, dans un pur manichéisme, la possibilité d'un projet écologique et partagé de reconstruction de la région puisque les Juifs israéliens sont effacés de son paysage mental.
Pour la Palestine comme pour la Terre. Les ravages de l’impérialisme fossile - Andreas Malm La Fabrique → 5 février 2025 – 168 pages – 14 €
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