Comment en êtes-vous venue à défendre la cause animale ?
Comme beaucoup d'enfants, quand j'étais petite, j'adorais les animaux, c'est probablement les racines de mon engagement... même si je n'imaginais pas, à ce moment-là, intégrer une ONG comme Sea Shepherd ! Je pense que ce qui m’a poussée à l’action, c’est un puissant sentiment d'empathie par rapport à toute la souffrance qu'on inflige aux animaux. Et l'indifférence de mes semblables vis-à-vis de cette injustice.
De là est née une certaine forme de colère, de révolte. Avec Sea Shepherd, j'ai trouvé un outil qui correspond à mon tempérament combatif. On se bat pour la vie, et je trouve qu'il n'y a rien de plus important.
De la question animale a ensuite découlé la question environnementale : je me suis rendue compte que si l'océan meurt, c’est l’ensemble de la vie sur Terre qui disparaît. On oublie trop souvent que l’océan est bien plus qu’une étendue d’eau salée, qu’il est le premier régulateur du climat et le premier fournisseur d’oxygène. Ce qui m’amène à penser que même les personnes les plus individualistes, qui ne seraient pas forcément touchées par le carnage dont nous sommes responsables en mer, devraient se sentir concernées, d’un point de vue purement utilitariste, par la destruction de la vie marine...
Comment le combat animaliste s’articule-t-il avec toutes les autres luttes sociales ?
Ces dernières années, des combats ont émergé pour l’émancipation et la prise en compte des Noirs, des femmes, des handicapés... Je pense que la libération animale est dans la continuité de ces luttes. On entend parfois que ce combat est subsidiaire, périphérique, que tant qu’on a pas réglé les inégalités entre nous, on ne peut même pas commencer à s’intéresser aux animaux... Mais il faut prendre le problème dans l’autre sens : tant qu'on considérera normal de faire ce qu'on fait aux animaux, aucune paix sociale ne peut advenir. J'aime beaucoup cette phrase de Milan Kundera qui dit que «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c’est ici que s’est produite la faillite fondamentale de l’homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent.» Autrement dit : la cause profonde de tout le mal qu'on peut s'infliger entre nous, elle vient de ce qu'on est capable de faire subir aux animaux. À partir du moment où on décide qu'un être sensible ne vaut rien et est à notre disposition pour la simple raison qu'il n'est pas comme nous, on ouvre la porte à toutes les autres formes d’inégalités.
En sacralisant la vie animale, n’y a-t-il pas un risque de désacraliser la vie humaine ?
Au contraire, ça veut dire vivre en harmonie tous ensemble ! Je n'ai jamais compris cette critique, celle qui consiste à reprocher à ceux qui se battent pour la défense animale de ne pas s'investir contre, par exemple, la famine des enfants en Afrique. Quand quelqu'un a une passion pour la photo, qu'il y met tout son temps et tout son argent, personne ne va lui reprocher. En revanche, si on donne un peu de temps et d'argent à la défense animale, certaines personnes considèrent que c’est un affront à l'être humain...
Est-ce que selon vous la question de la souffrance animale est suffisamment prise en compte par les partis politiques ?
Les partis politiques sont très clairement dans l'opportunisme électoral. Au sommet du pouvoir, je pense qu'il y a très peu de conviction sur ces questions, qu’il n’y a pour l’instant pas d’engagements sincères à en attendre. Mais si la question éthologique devient un objet de préoccupation sociétal fondamental, voire une condition d'élection, les partis vont forcément devoir s’adapter et suivre le courant.
Est-ce pour accompagner ce mouvement que vous vous êtes présentée sur une liste municipale soutenue par la France Insoumise dans le 14e arrondissement de Paris ?
Ça m’a embêtée qu’on m’affilie à la France Insoumise. Je n’ai rien contre ce parti, mais je n’en suis pas membre. Je fais partie de la REV, la Révolution Ecologique pour le Vivant, un parti anti-spéciste fondé en 2018 par Aymeric Caron. C’est dans ce parti que je me reconnais, car il y a une dimension de justice globale : sur les questions animale, environnementale, sociétale, économique.... On m’a proposé de me présenter pour les municipales, et j’ai accepté parce que je trouvais intéressant de porter une parole activiste sur la scène politique. Je me suis lancée dans la campagne à reculons, car je savais que j'avais très peu de temps à y consacrer. Je me suis rendue compte que faire campagne, c’était un vrai boulot à plein temps ! Sans mauvais jeu de mot, j’étais vraiment sous l’eau, parce qu’on était en pleine campagne sur les dauphins dans le golfe de Gascogne.
C’est vrai qu’il avait de quoi être surpris, de voir une activiste comme vous décider d'aller se présenter à des élections. On aurait pu se demander si vous n’étiez pas, en tant que militante Sea Shepherd, en voie d'institutionnalisation...
Alors là, c'est mal me connaître ! Avant de me présenter, j'en ai parlé avec Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd, car il avait brigué un mandat de maire de Vancouver en 1996. Il m’a expliqué qu’il n’avait aucune envie d’être maire, mais que la campagne avait permis à son message d’être diffusé. C’est pour cette raison que je me suis présentée. Mais finalement, cette expérience m’a confortée dans l’idée que je souhaitais consacrer l’essentiel de mon temps sur le terrain. Même si je suis tout à fait disposée à partager mon expérience et à aiguiller les politiques.
Quelles sont les prochaines étapes pour Sea Shepherd France ?
En ce moment, on est sur deux campagnes. La première est de patrouiller dans les zones de pêche du Finistère sud, pour alerter sur le carnage que subissent les dauphins. La France est quand même le pays qui tue le plus de dauphins en Europe ! Et début octobre, on doit se rendre sur les plages de Mayotte. Dans ce département français, des centaines de tortues sont tuées chaque année dans l’indifférence complète du gouvernement, alors qu'il y a un plan national de protection des tortues. Comme d’habitude, il y a un vrai décalage entre ce qu'il y a sur le papier et ce qui se passe sur le terrain. Parallèlement, on participe financièrement et humainement aux campagnes en Afrique de l'Ouest. On travaille en partenariat avec les gouvernements pour les aider à lutter contre la surpêche et la pêche illégale des navires asiatiques, russes et européens qui viennent piller leurs eaux territoriales.
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