La veille, il nous avait prévenus : on risquait de ne pas mettre un pied sur l’embarcation. Après deux mois particulièrement secs, des nuages gorgés de pluie menacent d’éclater sur la Loire. Finalement, le ciel finira par se dégager in extremis au-dessus de la barque de Philippe Boisneau, l’un des quatre cents pêcheurs professionnels en eau douce de France. Toujours pas de grain, on laisse les bottes dans la voiture. Sur la berge, une passerelle en bois descend raide, jusqu’au ponton. « Normalement, la plateformeest à l’horizontale, il doit bien manquer deux mètres de flotte », s’agace-t-il, avant de nous inviter à trouver une place entre ses deux comparses, Nicolas, Antoine, et quelques caisses en plastique vides.
Article à retrouver dans notre numéro 57 « Manger les riches ? », disponible en kiosque et sur notre boutique !
Cela va faire trente ans que Philippe Boisneau navigue jusqu’à cinq fois par semaine sur ce tronçon de fleuve. La portion qu’il loue à l’État pour y exercer son activité s’étale sur vingt kilomètres, coincés entre Chaumont et Montlouis, à quelques coups de pagaie de Tours, dans l’Indre-et-Loire. Lui, parcourt ce cours d’eau sinueux avec un petit moteur et un filet, menant en zigzags les 700 kilos de son embarcation à travers les « culs de grève », ces bancs de sable instables qui causent parfois la mort de baigneurs imprudents. « La Loire a la particularité unique d’avoir un fond...