L’océan pourrait aujourd’hui être considéré comme la plus grande décharge publique de notre temps. De nombreuses études comme celle de Surfrider Foundation ou de l’Unesco révèlent régulièrement des taux de pollution inédits: métaux lourds, carburants, bouteilles, canettes, pollution industrielle et micro-particules de plastiques sont les principaux éléments qui constituent la décharge mondiale que sont devenus nos océans. La masse polluante représente aujourd’hui plus de 150 millions de tonnes. Naturellement portées par les courants marins, ces marres de déchets plastiques ont tendance à se rassembler en un point convergent. Ce phénomène est à l’origine de ce que l’on surnomme le “7ème continent” et dont la taille atteindrait près de 3,5 millions de km² (la superficie de l’Inde !). La présence exponentielle de ces déchets entraîne des dérèglements durables de nos écosystèmes : perturbation de la pêche, des activités touristiques et disparition d’espèces sont les symptômes les plus courants.
Une communauté d’optimistes innove pour lutter contre la pollution marine
De nombreux chercheurs se posent la question de savoir si les technologies existantes pourraient à terme effacer les traces que l’homme laisse dans nos océans. Chaque jour, des innovations et des projets voient le jour pour tenter de lutter contre ce fléau et limiter les concentrations déjà alarmantes de matériaux polluants.
Le récif artificiel flottant
Pour nettoyer les océans, Boyan Slat est persuadé qu’il est possible de collecter une majeure partie des déchets générés par l’Homme. C’est de cet espoir qu’il a mis au point un prototype qui pourrait nettoyer la moitié du Pacifique en seulement 10 ans. Le jeune hollandais avait 19 ans quand il s’est lancé dans ce projet fou : 3 ans plus tard, en 2017, son premier prototype grandeur nature est en cours de test dans la mer du Nord. Baptisée l’Ocean Clean Up, la barrière flottante imaginée par le jeune inventeur s’appuie sur les courants marins et ne nécessite aucune énergie extérieure, de façon à fonctionner de manière totalement autonome. Son invention, composée d’une grande barrière flottante, est équipée de bouées gonflables et assortie d’un filet d’1,5 mètre de profondeur. A l’image d’un récif naturel, le dispositif se déplace au gré des courants pour capturer des déchets jusqu’à 1 mm de diamètre. Conçu pour résister à des charges de plus de 80 tonnes, la barrière est capable de s’adapter à de fortes marées ou des tempêtes. Plusieurs capteurs sont installés le long de cette barrière pour transmettre des données directement à terre et informer la communauté scientifique en direct. Encore à l’état de prototype, Boyan Slat espère développer d’ici 2020 deux barrières de 50 mètres chacune, implantées dans le Pacifique Nord, équipées d’un filet de 3 mètres, le tout arrimé aux fonds marins. Le projet, qui a déjà fait ses preuves, revêt toutefois une faiblesse notoire : la bouée flottante ne peut ramasser que les déchets visibles et néglige l’ensemble des micro-particules très présentes dans les océans.
L’éponge attrape-mazout
A la manière d’un aimant, l’éponge nouvelle génération qui empêchera les futures marées noires de se propager se développe désormais à grande échelle: l’Oléo Sponge, conçue par le Laboratoire National d’Argonne aux Etats-Unis, est capable d’absorber jusqu’à 90 fois son poids en pétrole et en gasoil, sans s’imbiber d’une seule goutte d’eau. Grâce à un composé chimique inspiré de la technologie de nos matelas et de nos isolants, le matériau aimant incorporé à l’éponge permet d’attirer et de retenir le pétrole en son sein. Une fois essorée, l’éponge est réutilisable et les produits chimiques qu’elle a recueillis peuvent être récupérés puis recyclés. Toute l’innovation réside dans sa façon de retenir les éléments huileux du pétrole ou du gasoil, sans perte de matière. Le matériau, très robuste, peut être réutilisé après son essorage et de nombreux tests de résistance réalisés sur le matériau incitent les scientifiques à continuer le développement de cette innovation. Très semblable sur la forme à une serpillère, cette éponge pourrait servir à limiter la propagation des marées noires, mais aussi à nettoyer les ports ou les marinas, où le diesel est souvent très concentré de par l’afflux maritime régulier. Seulement cantonnée aux polluants liquides, cette éponge absorbante ne peut valoir dans la collecte de déchets plastiques. Elle permettrait néanmoins un nettoyage des lieux les plus fréquentés par les citoyens.
Le camion-poubelle des océans
Le futur bateau poubelle de nos océans, imaginé par Yvan Bourgnon —skipper Suisse de renom- est en voie de s’attaquer aux plus grandes concentrations de déchets du globe. C’est pendant un tour du monde en catamaran que le skipper a pu observer l’état critique de nos océans. Profondément choqué par ce constat, il a décidé d’agir à son échelle pour lutter contre cette pollution grandissante. En se concentrant essentiellement sur une mission de collecte dans les zones les plus touchées du globe, Yvan Bourgnon a imaginé un voilier géant collecteur de plastiques: le Manta. Véritable camion-poubelle flottant, son système de rampe, d’une largeur de 72 mètres, permet de collecter des déchets sans impacter la vie de la faune marine. Afin d’éviter toute pêche non intentionnelle, le bateau émettra un son reconnaissable par les habitants marins pour les effrayer le temps du ramassage. A bord, un réseau de tapis roulant achemine les déchets récupérés dans les cuves de stockage du bateau. Les cuves du bateau offrent un volume de stockage de 300m3. Une fois à terre, les déchets seront recyclés. Lors de ces opérations en mer, les données maritimes et les taux de pollution seront enregistrés, stockés, analysés puis transmis à la communauté scientifique.
Cette liste —loin d’être exhaustive— de quelques innovations du moment prouve deux choses. Une prise de conscience mondiale des taux de pollutions présents dans les océans se développe, et inspire les chercheurs. Elle montre également l’optimisme dont la communauté scientifique fait preuve quant à ce fléau que l’on pensait irréparable. Sans attendre une méthode miracle pour nettoyer la face marine, des scientifiques restent confiants : Romain Troublé, membre de la grande expédition Tara Océans a déclaré «L'océan est très résilient, si nous cessons de jeter du plastique dans la mer aujourd'hui, dans 50 ans nous aurons retrouvé l'écosystème de départ. C'est quelque chose qu'on peut changer avec la loi, la pédagogie et l'éducation»
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