Le détour par Ivry et l’établissement de M. Guibal s’imposait pour Julien François Turgan. Lancé dans la rédaction d’une somme sur les « Grandes usines » françaises, le journaliste aux ambitions encyclopédiques consigne dans un 8e volume ses observations sur la fabrique d’un matériau « intervenant sous toute espèce de formes et de volumes dans l’outillage de la civilisation » : le caoutchouc. « Le caoutchouc est entré aujourd’hui aussi bien dans l’industrie que dans la vie de chaque jour, si bien que sa suppression brusque causerait une perturbation notable dans un grand nombre de circonstances », résume-t-il. Le temps n’a en rien contredit cette analyse de Turgan datant de... 1868, alors que Napoléon III est toujours empereur des Français.
Un siècle et demi plus tard, le caoutchouc naturel, fabriqué à partir du latex tiré de la culture de l’hévéa, continue d’occuper une place centrale dans notre quotidien. Mis au point dès le début du XXe siècle, les élastomères de synthèse l’ont remplacé en partie sans complètement le supplanter. « Le caoutchouc naturel a des propriétés mécaniques que nous n’arrivons pas à reproduire avec des élastomères synthétiques produits en laboratoire. De par sa capacité à cristalliser sous déformation, il rigidifie lorsqu’il est très étiré et résiste très bien à la propagation des fissures », explique Erwan Verron, professeur à Centrale Nantes et...