Pour une philanthropie 3.0
Cette tribune a initialement été publiée dans le n°13 de Socialter (septembre-octobre 2015).
Cette tribune a initialement été publiée dans le n°13 de Socialter (septembre-octobre 2015).
Cet été, le vote de la loi sur la transition énergétique a été l’occasion de parler de gaspillage alimentaire. Un sujet d’actualité, à l’heure où les demandes d’inscription aux Restos du cœur augmentent très fortement du fait de la crise économique. Et comme les subventions ont du mal à suivre, les Restos du cœur affichent un lourd déficit d’exploitation. Comment joindre les deux bouts ?
Depuis plus de trente ans, des associations et des financiers réfléchissent à des mécanismes qui puissent générer des ressources pour les associations, à travers des produits et des services financiers. En 1983, les pionniers ont été des congrégations religieuses et des particuliers proches du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD - Terre Solidaire), désireux d’agir pour la solidarité internationale. Le fonds Faim et Développement était né. La finance altruiste aussi. Monté avec le Crédit Coopératif, ce fonds place en obligations l’argent des investisseurs. Les taux atteignaient alors 15 %, au point que le fonds parvenait à verser la moitié de la rémunération au CCFD et l’autre moitié au client qui préservait ainsi le pouvoir d’achat de son épargne. Plusieurs dizaines de fonds se sont créés sur le même modèle.
À partir de 2008, la division par trois des taux, puis leur tombée à zéro ne pouvait que provoquer l’arrivée de la philanthropie 2.0. Car les besoins restent toujours aussi importants et l’épargne des Français également – 3 000 milliards d’euros en 2008, 4 259 milliards en 2014 – ce qui encourage la créativité altruiste. Les financiers se tournent alors vers de nouveaux modes de partage : partage des frais d’entrée (Entraid’Epargne de Carac), des frais de gestion (Fonds Excelsior de Financière de l’Échiquier) et, plus récemment, partage à partir des transactions. Ainsi, à chaque retrait ou paiement, la carte bancaire Agir du Crédit Coopératif et la carte Sociétaire du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne reversent quelques centimes d’euros aux associations. Un peu plus tard, apparaissent l’arrondi (Simplidons avec BNP Paribas et microDon) et les points de fidélité solidaires (Tookets du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne).
«La philanthropie s’inscrit dans l’ADN de la société»
Les cartes Sociétaires des caisses régionales de Crédit Agricole sont désormais détenues par plus de 4 millions de clients et versent autant d’euros à plusieurs milliers d’associations dans les territoires. Quels sont les montants totaux en jeu ? En France, l’ensemble des dispositifs de finance altruiste génèrent 10 millions d’euros de dons et sont proposés à 35 millions de clients. Parmi les grands réseaux bancaires, le Crédit Agricole, LCL et la Société Générale sont les plus actifs, sans compter le Crédit Coopératif et la Nouvelle économie fraternelle (Nef) dans les établissements qui s’affichent ouvertement solidaires. Les associations bénéficiaires les plus engagées ont pour nom CCFD, Habitat et Humanisme ou la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH).
Un Jury indépendant réuni autour d’Axylia attribue, depuis six ans, des [profit for Non Profit] Awards aux initiatives les plus généreuses et les plus exemplaires – un symbole fort du lien existant entre l’économie et le secteur non lucratif.
Notre observation nous place en situation d’annoncer l’arrivée de la philanthropie 3.0 : ce troisième mouvement signe la bascule de la finance à l’économie altruiste où la philanthropie s’inscrit dans l’ADN de la société. L’an passé, nous avons récompensé la société américaine Salesforce. Marc Benioff, le patron de ce leader du cloud, a lancé sa fondation le même jour que sa société. Il a inventé l’«embedded philanthropy» autour d’un principe redoutable de simplicité : le «1-1-1». 1 % du chiffre d’affaires (des licences gratuites de son logiciel de CRM), 1 % du temps des salariés et 1 % de la capitalisation boursière sont ainsi donnés aux écoles, universités, associations pour un montant cumulé de 75 millions de dollars depuis le lancement.
Pour la génération Y, le don et le partage deviennent des évidences. Tous les secteurs d’activité souhaitent participer à un monde meilleur. Cela porte un autre nom : le progrès. La 6e édition des Awards a été programmée le 6 octobre 2015. Les nominés et lauréats sont tous porteurs de projets symboliques de la rénovation du don !
Vincent Auriac est le président d’Axylia. Également conseiller financier auprès de nombreuses associations et fondations, il organise chaque année les Ateliers de la Finance Responsable et les [profit for Non Profit] Awards.
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