Dix millions de tonnes de nourriture sont perdues et gaspillées chaque année, en France, selon l’étude“Perte et gaspillages alimentaires : état des lieux et leur gestion par étape de la chaîne alimentaire” publié en mai 2016 par l’ADEME. Sur toutes les étapes, la consommation est la phase où l’on constate le plus de pertes (33%), la distribution représentant quant à elle 14% de ce grand gâchis. Les enseignes de la grande distribution multiplient les actions pour limiter la benne.
Naturellement, la pratique la plus courante reste de donner les invendus en développant les dons alimentaires par des partenariats avec les structures locales, comme la Banque Alimentaire, le Secours populaire ou les Restos du cœur… Une redistribution facilitée par l’intervention de start-up innovantes, comme Phenix, qui accompagne les enseignes de la grande distribution en les aidant notamment à mieux gérer leurs invendus. “Chez Carrefour, c’est 100 millions de repas donnés par an” en France et dans tous les pays du groupe, explique Bertrand Swiderski, Directeur RSE Groupe Carrefour. Dans ce communiqué d’octobre 2015, Monoprix, filiale du groupe Casino, affirmait viser l’objectif des 6 millions de repas donnés par an d’ici 2020. En 2014, Auchan a donné 13 millions de repas. Mais la lutte contre le gaspillage passe aussi par de nombreuses autres astuces lors de toutes les étapes de la distribution.
Voici pour les bonnes intentions. Mais il y a aussi et surtout le rationnel économique. Les intérêts de mesures anti-gaspillage dans la grande distribution sont multiples. Déjà, parce que ce comportement influence directement leur image auprès des clients, qui auraient tendance à juger sévèrement une enseigne réticente à redistribuer des invendus (une pratique interdite depuis la loi antigaspillage du 11 février 2016). Ensuite, le gaspillage implique des coûts non négligeables pour ces entreprises, tant en termes de perte qu’en termes de gestion des déchets et coûts liés (stocks notamment). Ces mesures sont également positives dans le cadre de leur objectif RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Et en interne, elles ont l’avantage de motiver les équipes en interne, à se mobiliser autour de nouvelles pratiques. Rétentions des talents, engagement des salariés et innovation à la clé.
La bonne gestion des stocks
Le premier but de la grande distribution est d’éviter les invendus pour limiter les pertes. “Notre métier, c’est de vendre”, revendique Bertrand Swiderski. Et cela passe avant tout par une bonne gestion des stocks : trouver l’équilibre entre l’offre du fournisseur et la demande du client. Dans les magasins Carrefour par exemple, un “coach anti-gaspi” est chargé de voir si “le flux correspond au flux client”, explique Mathieu Ricou, le directeur de l’hypermarché de Montesson (78), où un “parcours anti-gaspi” était organisé en octobre dernier pour présenter les initiatives du groupe à ce sujet.
Une fois ce stock en magasin, les astuces de base sont les mêmes pour toutes les enseignes : éviter de proposer en rayon des produits ayant différentes dates limites de consommation, car les clients ont tendance à privilégier les produits dont la date est la plus éloignée, provoquant, de fait, le gaspillage des articles se périmant le plus vite. Une autre astuce : transformer les produits sur place dans des rayons boulangerie ou boucherie pour coller au mieux à la demande du client et réduire ainsi les délais de la chaîne de distribution. Dans certains supermarchés, comme Auchan, on laisse le client se servir selon ses besoins dans des rayons en vrac. Avec l'aide d'initiatives comme Zéro-Gâchis, les consommateurs peuvent découvrir quelles enseignes sont partenaires de la démarche et être informés de la disponibilité des produits en promotion, car proches de leur date limite.
Éduquer les clients
En rayon, des produits sont rapidement délaissés selon leur présentation. L’exemple le plus connu : les fruits et légumes moches. Les grandes surfaces ont tenté, au cours des dernières années, de sensibiliser les clients. Les fruits et légumes “Gueules cassées” sont disponibles dans les magasins Leclerc, Système U ou Franprix par exemple. Carrefour a pris l’initiative, en France, de vendre moins chère une viande qui “n’a pas le physique facile”, comme elle est présentée aux clients. Les bananes souffrent du même problème : détachées de leur régime, les bananes isolées sont délaissées par les clients. “Sur 1000 fruits dans un bananier, seulement 730 sont consommées, et on en perd à chaque étape”, expose Bertrand Swiderski. Et pour éviter ce type de gaspillage à l’achat, un magasin Carrefour en Belgique a décidé de les regrouper par lot de trois.
Si certains produits ne peuvent pas rester plus d’une journée en rayon, rien n’empêche de les transformer pour les vendre sous une autre forme. “Au Brésil, les gens consomment énormément de chapelure. Donc les magasins en font en grande quantité avec le pain invendu”, explique le directeur RSE du groupe Carrefour. Même chose en France avec les croissants, fourrés à la crème et aux amandes s’ils ne sont pas consommés dans la journée. Les ananas trop mûrs sont prédécoupés pour être vendus directement prêts à la consommation. “Cela permet de donner une seconde chance aux produits”, continue-t-il. Le rayon déstockage, dans lequel sont exposés les produits approchant leur date limite, permet encore aux clients de bénéficier de produits à prix réduit.
La seconde vie des produits
La grande distribution tente aussi d’influencer les clients pour éviter le gaspillage chez eux. Et le conseil de base reste de bien conserver ses aliments. Les mettre sous vide, les conserver dans des sacs spéciaux, bien ranger son réfrigérateur… Autant de conseils prodigués dans les supermarchés pour encourager à la bonne consommation des aliments. Des recettes ou des astuces sont suggérées par beaucoup d’enseignes. Les magasins U, en partenariat avec l’émission la quotidienne de France 5, donnent des conseils pour raviver des aliments plus très frais. En octobre 2015, le camion CookTruck de Monoprix conseillait les clients pour des recettes mettant en valeur les produits. Auchan et Carrefour proposent aussi leur lot de recettes anti-gaspillages.
Et lorsque la consommation n’est plus possible, on peut toujours transformer les invendus en source d’énergie ou en engrais. En Roumanie, l’ONG Ateliers sans frontières utilise les biodéchets de Carrefour pour cultiver un jardin bio dans le cadre de son projet de réinsertion sociale. Une expérimentation qu’on aimerait voir en France. Sinon, ces déchets alimentaires peuvent encore être transformés en biométhane comme, par exemple, pour Auchan ou Carrefour. “Ce gaz sert ensuite à livrer les magasins. Et rejette 0 particule dans l’atmosphère”, insiste Bertrand Swiderski.
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