Le 4 janvier, Benoît Hamon disait au Monde “La question n’est pas de savoir s’il y aura un jour un revenu universel, il y en aura un. C’est la nouvelle protection sociale. (...) La seule question, c’est quel revenu universel sera mis en place dans les années à venir en France.”
Une telle certitude aurait été impensable il y a quelques mois encore, mais le revenu universel a fait son chemin, jusqu’à s’installer au cœur du débat politique. L’idée de base, de distribuer un montant à tous, sans conditions, afin qu’il puisse satisfaire ses besoins élémentaires, est passé de la proposition farfelue et utopiste au véritable projet politique.
Sauf que, comme toujours, un terme qui se popularise court le risque de se diluer, voir de se dénaturer. Toutes les propositions de “revenu universel”, de “revenu de base” et de “revenu garanti” ne se valent pas et ne cachent pas la même vision de la société.
Revenu universel, un arbre généalogique à deux troncs
Pour faire court, l’idée de revenu universel descend de deux branches philosophiques assez éloignées. L’une se situe dans la pensée communiste: comme chaque individu participe à sa manière à la richesse commune, chacun a le droit d’en jouir. Un revenu universel est une façon de redistribuer la richesse de façon plus égalitaire. La seconde branche appartient à la tradition libérale: fournir à chacun un revenu de base afin qu’il puisse échapper à la misère extrême, un filet de sauvetage qui servirait à compenser les aléas du système libéral. Chaque individu est ainsi responsable de sa vie.
Ce sont ces mêmes visions contradictoires que l’on retrouve aujourd’hui dans les discours des candidats à la présidentielle.
>> Lire notre article “Le revenu de base, ni de droite ni de gauche”
Un revenu universel pour changer notre rapport au travail
D’un côté, l’on trouve ceux pour qui le revenu universel permet à chacun de s’émanciper de l’emploi, qui n’est plus la seule source de revenus possible. Et inversement, le salaire n’est plus le seul et unique but du travail. Cela servirait à préparer le monde de demain, où les machines remplaceront les humains pour de nombreux postes, et à valoriser des contributions sociales comme le bénévolat. Plus qu’une mesure de redistribution alternative, il s’agit d’un changement de société. C’est bien ce que proposent certains candidats: Yannick Jadot, Benoît Hamon, Jean-Luc Bennahmias,Pierre Larrouturou, et Charlotte Marchandise.
Yannick Jadot, candidat d’EELV, propose un revenu universel de 535 euros par mois, soit la valeur du RSA-socle aujourd’hui, mais étendu à l’ensemble de la société.
Benoît Hamon, candidat à la primaire de la gauche, propose à terme un “revenu universel d’existence” de plus de 500 euros dès l’âge de 18 ans, qui passerait ensuite à 750 euros une fois que le processus a été expérimenté. Sa mise en oeuvre serait progressive, commençant par le versement automatique du RSA-socle à ceux qui y ont droit et aux 18-25 ans sans condition de ressources. Dans un deuxième temps, le revenu universel serait étendu à toutes les personnes de plus de 18 ans.
Jean-Luc Bennahmias, candidat à la primaire de la gauche, est également en faveur d’un revenu inconditionnel et universel d’autour de 800 euros par mois, à installer progressivement.
Pierre Larrouturou, candidat de Nouvelle Donne, propose un revenu inconditionnel et universel, sans préciser le montant ni la mise en oeuvre.
Un revenu de base, filet de sauvetage dans un monde de travail de plus en plus instable
La seconde vision du revenu de base consiste à en faire une fusion des allocations existantes, afin de simplifier l’accès à un filet de sauvetage face à un monde du travail dérégulé et de plus en plus précaire.
C’est bien cette notion là que défend Manuel Valls. Le 19 avril, il a écrit sur facebook qu’il voulait “ouvrir le chantier du revenu universel”, ajoutant aussitôt que ce ne serait pas une allocation « versée à tous », car « cela serait coûteux et n’aurait aucun sens ». Bref, il n’a pas bien compris le mot universel. Il envisage plutôt un “revenu décent”, entre 800 et 850 euros versé aux plus précaires, pour cumuler et remplacer les aides sociaux existants.
François Fillon évoque lui aussi un revenu social unique, sous conditions de ressources, pour lequel il voudrait fixer un plancher de 75% du Smic, soit 847 euros, afin de ne pas décourager les personnes bénéficiant de l'”assistanat” de reprendre le travail.
Un chaton ou un tigre ?
“Parler d’instaurer un revenu garanti sans préciser ce que l’on entend par là revient à discuter de l’adoption d’un félin sans dire si on pense à un chaton ou à un tigre”, expliquait Olli Kangas, directeur de recherche de l’institut finlandais de protection sociale en mars 2016. Il y a bien des visions de monde contradictoires qui se cachent derrière ces propositions. Il ne faudrait pas se tromper de bête.
>> Lire notre article "Le tour du monde des revenus de base"
Ou retrouvez l'intégralité du dossier "Un revenu à vie pour tous ?" dans le N° 16 de Socialter
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