Entretien

Christophe Clerc et Gérard Mordillat : « La propriété marchande, c’est la destruction »

Photos : Dorian Prost

Co-réalisateurs de la série documentaire Le Monde et sa propriété(Arte, 2022), Christophe Clerc et Gérard Mordillat approfondissent leur réflexion dans un récent ouvrage, Propriété, le sujet et sa chose (Seuil, Arte Éditions, 2023). Si la propriété marchande apparaît aujourd’hui comme indéboulonnable, c’est d’abord parce que toute propriété qui pourrait contrevenir à la logique capitaliste a été escamotée. L’histoire de cette notion insaisissable nous révèle pourtant que l’humanité a été depuis des millénaires capable d’une prodigieuse inventivité en la matière, preuve qu’il n’appartient qu’à nous, aujourd’hui, de refonder la propriété sur des bases écologiques, démocratiques et sociales.

Sur la couverture de votre livre, vous avez choisi de faire figurer une énigmatique empreinte de pied. Pourquoi ?

Christophe Clerc Il s’agit d’une tablette mésopotamienne du XIIIe siècle avant Jésus-Christ, qui était exposée à l’Institut du monde arabe dans les années 1980. L’empreinte, moulée dans l’argile, appartient à un enfant âgé de six mois environ. Elle porte une inscription cunéiforme : c’est une reconnaissance de dette par laquelle les parents, pour garantir un emprunt, ont donné leur enfant en gage. On connaît même le nom du créancier : Malik Bêl, un haut fonctionnaire royal. Faute de remboursement à bonne date, l’enfant deviendra son esclave.

Entretien à retrouver dans notre numéro 60 « La tragédie de la propriété », en kiosque, librairie et sur notre boutique. »

Cet objet renvoie donc à un point fondamental de la notion de la propriété, l’esclavage, qui fut si répandu qu’on peut le considérer comme un rapport social « normal » durant toute l’histoire de l’humanité jusqu’au XIXe siècle. Avec l’esclavage pour dette, on peut « vendre » ses enfants, sa femme, on peut même se vendre soi-même. C’est un pur rapport de propriété sur les corps qui s’établit alors, avec le droit du maître de châtier, de mutiler, voire de tuer. 

Gérard Mordillat On a dans ce petit objet un condensé de tous les éléments qui forment le concept de propriété, sur lesquels nous avons tenté de...

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NUMÉRO 66 : OCTOBRE-NOVEMBRE 2024:
La crise écologique, un héritage colonial ?
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