Mort du service public », « fin des petites lignes »… En juin 2018, après des mois de contestation et de grève, le Parlement adoptait le projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire ». Parmi les mesures les plus décriées : l’ouverture à la concurrence pour les trains régionaux prévue en 2019 et pour les TGV en décembre 2020. C’était là, pour beaucoup d’opposants, la fin d’un véritable service public de proximité, alors que la SNCF ferme déjà à tour de bras les lignes les moins rentables du réseau. Fallait-il se résigner ? Peut-être pas : début 2019, une dizaine de personnes issues de l’économie sociale et solidaire (ESS) ou du monde associatif ont profité de la libéralisation de la SNCF pour lancer Railcoop, la première coopérative citoyenne du ferroviaire, dont l’ambition vise à faire revenir le train en zone rurale et transformer les petites gares de patelins en véritables lieux de vie.
La coopérative veut relever ce pari en associant un maximum d’acteurs locaux.
Pour cela, Railcoop a adopté le statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) : une forme de coopérative qui associe salariés, usagers, entreprises locales et collectivités. Les décisions sont prises par l’ensemble des sociétaires sur le modèle « une personne = une voix », et au minimum 57,5 % des bénéfices doivent être réinvestis dans l’entreprise. Impossible également de spéculer : les parts gardent une valeur fixe. « Cette gouvernance nous permet d’associer l’ensemble des parties prenantes d’une ligne ferroviaire, mais également de nous positionner sur des marchés peu rentables que vont délaisser les grands acteurs », analyse Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop. Par exemple, exit le « sandwich triangle » du wagon-bar : les usagers pourront commander leurs plateaux-repas et se les faire livrer sur le quai par le resto du coin.
Première étape de ce projet : la réouverture en 2022 de la ligne Bordeaux-Lyon, fermée en 2014.
Pour rejoindre la capitale des Gaules depuis Bordeaux, il faut actuellement prendre le TGV et passer par Paris. Sans carte de réduction et pour la semaine suivante, comptez en moyenne 6 heures 40 de trajet et 75 euros. Quant à l’alternative consistant à n’emprunter que les petites lignes du centre de la France, l’aventure ne vous prendra pas moins de deux jours… Railcoop veut réaliser la liaison en 6 heures 47, avec un billet fixé à 38 euros (pour s’aligner sur le prix d’un covoiturage). La ligne desservirait Libourne, Guéret, Montluçon ou encore Gannat… L’idée n’est pourtant pas de concurrencer la SNCF, assure d’emblée Alexandra Debaisieux :
« Nous voulons fournir un service complémentaire et reprendre des parts de marché à la voiture ou à l’avion. » D’autres projets sont à l’étude : des trains de nuit, un Toulouse-Rennes ou encore une ligne Lyon-Thionville.
Reste à surmonter de nombreux défis, à commencer par celui de la rentabilité et des coûts faramineux qu’implique l’activité ferroviaire.
Pour cela, la coopérative peut déjà s’appuyer sur ses 2 600 sociétaires et leur 900 000 euros de capital. Ce n’est pas encore assez pour atteindre le seuil minimal de 1,5 million d’euros indispensable à l’obtention d’une licence d’entreprise ferroviaire. Un premier hic, alors que la coopérative promettait de franchir ce palier à la fin de l’année ? « Nous avons pris un peu de retard avec la crise du coronavirus, reconnaît Alexandra Debaisieux, mais nous ne sommes pas inquiets. Il y a un véritable engouement autour du projet. ».
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