Toute idéologie se calcifie. Le temps métamorphose le réel qui la fonde, jusqu’à rendre obsolètes les bases de cette infrastructure de pensée. Le marxisme n’y a pas échappé : le capitalisme contemporain de Karl Marx n’est pas celui de la mondialisation. « Ce n’est pas l’analyse mais les solutions politiques de Marx qui ont vieilli. » Ces mots datent de 1964, et leur auteur s’appelle Raniero Panzieri. Car le capitalisme a muté, mais le marxisme aussi : tout au long de la seconde moitié du XXe siècle a eu lieu une réflexion critique dont l’Italie a été un berceau et cet intellectuel un pionnier. À la différence de figures majeures comme celles de Mario Tronti et Toni Negri, toujours en vie, Raniero Panzieri a peu vécu. Seulement 43 ans, c’est-à-dire le temps d’initier, avec les Quaderni Rossi, « Cahiers rouges », un courant majeur de la gauche italienne et européenne du dernier demi-siècle : l’opéraïsme.
Article issu de notre numéro 59 « Sabotage : on se soulève et on casse ? », en kiosque, librairie et sur notre boutique.
Né en Rome en 1921, Panzieri est mort subitement d’une embolie cérébrale en 1964, à Turin. Entre les deux, sa vie fut marquée par deux moments capitaux. La Sicile, d’abord, où ce docteur en droit qui a débuté sa carrière comme universitaire va, en 1950, prendre la tête d’un mouvement paysan d’occupation des terres. Cette expérience sera son « point d’Archimède »,...