Socialter: Comment SMart a-t-elle démarré?
Maxime Dechesne:La Société Mutuelle pour ARTistes (SMart) est née pour combler un besoin dans le milieu du spectacle, à savoir gérer des questions administratives, apporter une aide juridique... Elle propose des solutions simples qui permettent de travailler légalement avec une bonne protection sociale. L’initiative a très vite rencontré un grand succès et, en parallèle, on a réalisé que les jobs ponctuels, en projet, issus du secteur culturel, se multipliaient. Cela aurait donc été absurde de dire « on n’offre nos services qu’aux artistes », alors que d’autres personnes vivent les mêmes conditions de discontinuité de l’emploi. De ce fait, au fil de son développement, SMart a connu une ouverture croissante à des métiers éloignés du spectacle. SMart est un peu l’anti-ubérisation du travail. L’idée de ces plateformes est de morceler le travail en de nombreux petits exécutants précaires, si possible en freelance. Avec SMart, c’est l’inverse : on prend des freelances et on essaie de les retransformer en salariés.
Quels services proposez-vous à vos membres?
À la base, nous fournissions surtout le tiers payant, c’est-à-dire un système d’intermédiation administrative entre un employeur et un employé. Mais nous n’étions pas seulement un secrétariat social pour travailleurs intermittents ; nous avons commencé à accompagner les personnes, à réfléchir avec elles à leur projet professionnel. Notre rôle a fortement évolué. Aujourd’hui, nous sommes l’employeur direct. C’est ce rôle d’employeur, avec les responsabilités qui en découlent, qu’il nous a très vite paru important d’assumer, bien que les travailleurs restent leurs propres commerciaux.
Vous êtes un peu une société de portage salarial avec un fonctionnement coopératif...
On n’aime pas trop la comparaison. Techniquement, elle est difficile à réfuter, mais au-delà de l’aspect technique, tout nous sépare du portage salarial ! On n’a pas de critères d’exclusion économique, on a des critères éthiques. En plus de la démocratie, qui peut être formelle, on vise la participation, afin d’influencer la direction de SMart.
Vous avez d’ailleurs récemment signé des conventions avec quelques sociétés de livraison à vélo
Depuis le 1er mai, nous avons en effet un protocole avec deux plateformes, Deliveroo et Take Eat Easy [qui a mis la clé sous la porte fin juillet]. On a remarqué que, dans ce secteur-là, il était nécessaire d’aller plus loin. On a pesé de tout notre poids collectif. On a demandé à ces plateformes de rémunérer les livreurs à vélo pour 3 heures minimum, de les payer au salaire horaire minimum, de leur verser des indemnités de défraiement pour l’usage de leur propre vélo.
Vous êtes un syndicat en fait!
Pour être tout à fait honnête, les syndicats ne sont pas à l’avant-garde de ces sujets. Mais ce n’est pas entièrement de leur faute. D’abord, les anciens métiers n’ont pas disparu. Il faut continuer à défendre les métallos, les caissières... Ensuite, les mutations du travail sont relativement récentes et les syndicats sont de grosses structures. Ils ne sont pas dédaigneux pour autant. Nombre d’entre eux nous demandent des conseils, nous font part de leurs inquiétudes. On ne fait pas le même travail. On n’a pas changé les conditions de travail de tous les coursiers à vélo du monde ou même de Belgique. On a négocié pour nos salariés avec les clients qui travaillent avec eux. Un syndicat aurait en revanche été voir le gouvernement pour demander des règles qui éviteraient de négocier au cas par cas avec les plateformes. Ce n’est pas le même niveau.
Quels sont les prochains défis à relever pour SMart ?
Les challenges de SMart sont de réussir à capitaliser sur notre première année de fonctionnement participatif et de créer les conditions d’une existence pérenne. La démocratie a toujours été présente, mais c’était a minima, lors de l’AG annuelle. Désormais, on va beaucoup plus loin. Le deuxième défi sera de résister aux formes capitalistes de protection des travailleurs, comme les sociétés de portage salarial, et donc de croître, d’investir, pour garantir des outils qui tiennent la route. Il va nécessairement falloir renforcer la dynamique européenne. Par exemple, en Espagne, nous avons fait 100 % de croissance l’an passé ; en France, 60 %. Forcément, si le modèle est bon et sain, il ne peut que fonctionner.
Article paru en octobre 2016, dans le n°19 de Socialter.
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