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Santé : cette chercheuse traque les médicaments dormants contre les maladies rares, et les réactive

Qu'une maladie affecte 2000 ou 20 millions de personnes, les droits au traitement médical devraient être les mêmes. C'est le but de la Fondation EspeRare, une association basée à Genève et créée en 2013 par Caroline Kant.

Alors qu'elle travaille au département recherche et développement de Merck Serono, un laboratoire phamarceutique, Caroline Kant découvre l’existence de nombreux traitements, en repos sur les étagères du laboratoire. "Dormantes", ces molécules sont pourtant prêtes à être l’objet de recherches pouvant permettre leur repositionnement sur des traitements de maladies rares.

Elle-même mère d'un enfant atteint d’une de ces maladies, Caroline Kant décide alors de consacrer sa carrière au "réveil" de ces molécules et d’explorer des traitements qui pourraient redonner une chance à des millions d’individus à travers le monde.

Réel problème de santé publique, ces maladies affectent plus de 250 millions de personnes au niveau mondial. Sur les 7000 maladies rares répertoriées, la moitié affecte les enfants et seulement 5% ont aujourd'hui un traitement approuvé. Du fait de la taille restreinte du marché, développer des traitements contre ces maladies n'a jamais été une priorité pour l’industrie pharmaceutique, faute de rentabilité. Autre obstacle majeur : le manque de coordination entre les patients isolés, le monde de la recherche, les autorités publiques et les entités commerciales, qui empêche souvent les recherches les plus récentes d’aboutir à des programmes de développement de traitements.

Avec la Fondation EspeRare, Caroline développe un nouveau modèle, dont l’originalité repose sur sa capacité à reconnecter les groupes de patients aux organisations publiques et privées impliquées dans le développement de tels traitements. Son objectif : réduire le risque, le coût et le temps associés à ce processus. Et ainsi permettre l’accès des patients à ces traitement expérimentaux encore mal explorés, mais existants. En effet, la fondation prend le temps de mettre en relation les différents acteurs via des associations de patients, une initiative jugée trop coûteuse pour les laboratoires pharmaceutiques. Grâce à un modèle d’innovation et de recherche ouverte impliquant directement les patients, les laboratoires pharmaceutiques et les centres médicaux, elle accélère le développement économiquement rentable de nouveaux médicaments. Complémentaire des stratégies d’innovation de haut niveau de l’industrie pharmaceutique, ce modèle rend accessible des traitements, tout en inscrivant l’industrie pharmaceutique dans une logique d’impact social.

 

Pépites en sommeil

"L'idée a commencé avec la découverte dans le portfolio de produits dormant chez Merck Serono, d'une 'pépite d'or', Rimeporide, qui avait été développée pour l'insuffisance cardiaque et qu'EspeRare est maintenant en train de repositionner pour les enfants atteints d’une maladie incurable : la myopathie de Duchenne", explique Caroline Kant.

EspeRare applique une méthodologie bio-informatique qui lui est propre, identifiant au sein d’une large base de donnée de plus de 2000 traitements existants, ceux qui, selon des critères scientifiques complexes, ont le potentiel de devenir ces “pépites” thérapeutiques.. Elle travaille ensuite avec Merck Serono et d'autres laboratoires pharmaceutiques afin d’obtenir les droits d’utilisation de ces molécules, au repos sur leurs étagères. En s’appuyant sur des financements hybrides et un modèle collaboratif impliquant patients et autorités publiques, la fondation prend alors en charge les premières phases cliniques de repositionnement du traitement. Lorsque le potentiel de repositionnement est prouvé, la fondation peut revendre les droits au laboratoire, qui prend en charge les dernières phases cliniques et la commercialisation, ou garder les droits pour sa commercialisation avec d’autres partenaires. En échange, les laboratoires s’engagent à rendre ces traitements accessibles financièrement, et à reverser une partie des revenus à la fondation, qui les réinvestira dans de nouveaux travaux de recherche.

Aujourd'hui, EspeRare a réussi à prouver la pertinence et l’efficacité de son modèle en repositionnant Rimeporide sur la myopathie de Duchenne, validant le potentiel thérapeutique de cette molécule au-delà des insuffisances cardiaques initialement visées. Si les derniers stades des essais cliniques confirment les bénéfices thérapeutiques, Rimeporide pourrait atteindre le marché avant 2020, offrant enfin un traitement à plus de 50 000 jeunes garçons à travers le monde. En parallèle, la fondation est en train de développer trois autres traitements contre d'autres maladies encore incurables. En particulier, elle repositionne sur le marché un traitement à destination des nouveau-nés atteints de sévères anomalies cardiaques.

En partie basé sur la philanthropie (soutien du Téléthon français, de la fondation de la loterie suisse romande, d’associations de patients…), le projet de Caroline Kant se développe rapidement et est à la recherche de financements externes pour soutenir un rapide changement d’échelle. Parallèlement, le réinvestissement de bénéfices R&D devrait donner à EspeRare les moyens d’être en autonomie financière en moins de dix ans, permettant d’atteindre durablement et à grande échelle des millions de patients en situation de vulnérabilité.

Une fois répliqué et mis à l'échelle, le modèle de Caroline pourrait devenir la solution tant attendue dans la lutte contre les maladies rares, permettant l’accès de tous à des traitements efficaces.


Article initialement publié en anglais sur leblog Virgin.com.

En 2014, Caroline Kant a été sélectionnée parmi les entrepreneurs sociaux du réseau Ashoka, qui rassemble les pionniers de l’innovation sociale au sein d’un réseau mondial de plus de 3300 Fellows.

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