Sous un ciel gris et pluvieux, cinq hommes en noir lèvent la tête. Leur regard est rivé sur une montagne de betteraves à sucre. Au sommet est perché le crâne rasé de Grézillo. Dans les premières minutes du Sucre, film de Jacques Rouffio sorti en 1978, ce grand manitou de l’industrie sucrière campé par Michel Piccoli s’adresse à ses ouailles depuis cette chaire improvisée. Il se lamente du « désastre » sous ses yeux : « La catastrophe par l’abondance... Quelle chute. Très, très bas vont tomber les cours. » Que peuvent-ils y faire ? Grézillo a une solution. Il plonge sa main dans les cristaux charriés par un tapis roulant pour aussitôt s’en goinfrer. « Messieurs, il n’y a plus de sucre », annonce-t-il. Les cinq hommes rient de cette plaisanterie, mais ce n’en est pas une. Le geste de Grézillo a force de décret : « Je répète, il n’y a plus de sucre. » Adieu l’abondance, place à la pénurie ! L’inquiétude s’invite en une des journaux et les cours décollent, grimpent, s’envolent. Les consommateurs se battent dans les rayons des supermarchés pour mettre dans leur panier un seul kilo de la denrée devenue si rare, signe de la place à part qu’occupe cette substance associée au plaisir.
Article issu de notre numéro « Punir les écocidaires », en kiosques jusqu'en octobre et sur notre boutique.
Plus de quarante ans après la sortie du film, inspiré d’une bulle spéculative formée dans les...